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revue indépendante

çant les poings fermés vers le gendarme qui recule :

— Savez-vous comment on les appelle, ceux qui font le métier que vous faites ? On les appelle des marlous.

Le gendarme rougit.

— Je ne fais pas de métier ! Je fais comme qui dirait… censément… une commission… C’est un message… Je suis le facteur…

— Vous êtes un marlou !

— Observez vos propos, tonnerre de Dieu !

Ils s’empoignent. Nous avons un mal du diable à les séparer. Et Florentine, qui a fermé ses malles, arrive, toute rouge d’avoir travaillé si vite.

— Je prendrai mes bagages demain, en passant.

— Alors, tu pars ce soir ? implore le vieux, les mains jointes – des mains ridées, aux gros doigts noueux, qui tremblent un peu et font pitié.

— Dame ! crois-tu que j’aie l’intention de me faire assassiner cette nuit ? J’aime mieux aller avec ces messieurs.

— Alors, vrai, tu pars ?

— On dirait.

Elle fait quelques pas vers la porte et nous la suivons. Mais, tout à coup, le vieux se laisse tomber à genoux et, tendant les bras, dans une attitude de supplication désespérée :

— Florentine ! Florentine !

La fille, émue, se retourne ; elle a lâché le bras du gendarme et demande d’une voix trouble :

— Eh bien ! quoi ?