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revue indépendante

— Chouette, papa, répond Vendredeuil. Alors, mettons-nous à bouffer.

Je porte sur la table le grand plat, tout plein de ratatouille. Florentine va nous chercher des assiettes et des fourchettes – car nous ne nous refusons rien – et, pendant que nous mangeons, elle se fait les cartes à voix basse. Elle murmure :

— Du chagrin… À la nuit… Pour une femme brune délaissée (c’est la Concha)… Une route… Un homme sérieux (c’est Baluffe)… De l’argent… Pour moi-même… Sûreté… D’une pièce d’argent… Dans ma maison… Pour la bagatelle…


Florentine nous a servi notre café, après le dîner, et tous les trois, le gendarme, Vendredeuil et moi, en attendant la grande scène qui va éclater, nous remuons bêtement notre sucre avec les petites cuillers. Sourcilleux se promène de long en large, les mains derrière le dos, et Florentine, assise à côté de nous, le surveille du coin de l’œil. Tout d’un coup, comme il la frôle en passant, elle se lève et lui met la main sur l’épaule :

— Dis donc… tu sais… il faut que je te dise… je pars.

— Tu… tu… tu pars ?

— Ben, oui. Je pars,

— Où ça ?

— Au Kef.

— Où ça ?

— Chez Baluffe.