Page:La Revue Indépendante, tome 14 - janvier à mars 1890.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
revue indépendante

— Eh bien ! les enfants, ça va-t-il comme vous voulez ?

— Pas mal, pas mal, répond le brigadier. Et vous-même ?

— Couci-couça… Les rhumatismes, vous savez…

— Bah ! est-ce que vous n’avez pas Florentine pour vous soigner ?… Tiens !…

C’est Florentine qui soulève le rideau de cretonne à ramages qui ferme l’un des bouts de la baraque et qui accourt les mains tendues.

— Bonjour ! bonjour ! Des vieilles connaissances ! Et vous ne disiez pas que vous étiez là ! Allons, asseyez-vous. C’est moi qui paye l’apéritif.

Elle va chercher des verres et une bouteille, pendant que Sourcilleux se retire silencieusement dans son coin.

— Hein ? je suis bien ici ? maîtresse de maison… négociante en gros et en détail… On se pose… On a un magasin à soi…

Un beau magasin. Une baraque de trente mètres de long sur six de large, en bonnes planches, couverte en carton-cuir, avec des tables, des bancs, et même des chaises de paille, des rayons qui courent le long des parois et que chargent des articles d’épicerie, des étagères où reluisent des fioles multicolores et des verres de tous calibres, un grand fourneau en briques au-dessus duquel est accroché un fusil de chasse, et même une petite caisse, un petit bureau orné de bois découpé et complété par une bonne banquette rembourrée où madame peut faire la belle. Ce n’est pas de la rousselette, pour le pays.