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qui se rappelaient les romans de Fenimore Cooper ne pouvaient, en présence du sertanéjo brésilien, l’homme des solitudes, s’empêcher de penser à la grande et simple figure d’Œil de Faucon dans la Prairie.

Il avait eu, dès son enfance, le goût des courses lointaines ; on disait aussi qu’un acte de violence de sa première jeunesse lui en avait fait pendant quelque temps une nécessité ; l’âge ensuite avait développé toutes ses aptitudes. D’une sobriété presque absolue, il voyageait des jours entiers sans boire, portant sur la croupe de sa monture un petit sac de farine de manioc attaché à l’arrière d’une peau molle qui garnissait le dessus de sa selle ; une hache pour abattre les palmites ne quittait jamais sa main.

Il était né dans le village de Piumby dans la province de Minas Geraes, et de là, au gré de ses aventures, il s’était porté sur tous les points du sol qui s’étend du cours du Parana à celui du Paraguay. Il connaissait à fond les plaines qui confinent à la rivière Apa, limite entre l’Empire et le Paraguay ; il avait reconnu bien des localités vierges jusque-là du pas de l’homme, même sauvage ; il en avait baptisé quelques-unes