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puis des clameurs horribles, et encore un silence. Le clairon sonna ; on crut que c’était l’ennemi, les corps se formèrent.

Déjà nous étions accourus vers l’église : on en voyait sortir, au milieu de torrents de fumée, des formes méconnaissables, des fantômes noircis et rougis par le feu ; les uns flambant avec leurs habits, les autres complètement nus et dont la peau traînait en lambeaux, poussant des hurlements ; quelques autres encore tourbillonnant sur eux-mêmes comme des forcenés, et se tordant déjà dans les angoisses de l’agonie. Un soldat nègre avait perdu tout l’épiderme du visage enlevé comme un masque : son corps était une plaie saignante. Un sergent, dont les chairs étaient également mises partout à nu, demandait comme une grâce qu’on l’achevât d’une balle ou d’un coup de sabre. Une quinzaine de ces infortunés périrent sur la place même.

Tous ceux pour qui l’art pouvait quelque chose, soit pour diminuer leurs souffrances, soit pour les sauver, devinrent l’objet des soins de nos médecins et de notre préoccupation à tous. La pitié pour eux était mêlée d’indignation