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l’avons dit, ce ne fut pas un spectacle sans intérêt qui s’offrit aux yeux : on avait d’abord vérifié, avec de bons nageurs, la force de résistance du câble sous des poids assez considérables. Maintenant des hommes, en nombre toujours croissant, mais calculé, s’y suspendaient, et relayaient leurs mains, tandis que leurs corps, tenus complètement couchés par la vitesse de l’eau à sa surface, avançaient de secousse en secousse, et finissaient, non sans peine ni péril, par atteindre la rive opposée ; c’est ainsi que passa le bataillon no 20 tout entier. Après lui, on vit des cholériques eux-mêmes tenter cette épreuve, et non seulement y réussir, mais en sortir déjà plus forts, et quelques-uns presque complètement guéris.

Il y en eut qui se noyèrent ; au commencement, on avait cherché, par de bonnes paroles, à leur persuader d’attendre ; mais ayant été témoins de l’abandon des malades qui avait eu lieu si récemment, la prévision d’un sort pareil ne sortait pas de leur pensée. Aucune considération ne pouvait leur faire accepter de rester en arrière.

Il aurait fallu employer la force pour les retenir ; il n’était que prudent et juste de leur