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Ce même jour 28, quelques femmes moururent, plus délaissées encore que les autres malades, plus dénuées de tout secours et, à cause de leur faiblesse naturelle, plus marquées du sceau de la dernière misère.

L’autorité parmi nous n’existait presque plus ; elle avait toujours été, dès les commencements, assez incertaine entre les mains du colonel Camisão, tant qu’il y avait eu à prendre l’initiative d’une décision ou à faire un choix entre plusieurs avis et des alternatives diverses ; elle y était devenue, il est vrai, plus ferme quand il ne nous resta que des revers à supporter ; elle s’était même, vers la fin, élevée jusqu’à l’héroïsme, lorsque, par une abnégation dont l’effort à coup sûr lui a coûté la vie, le commandant abandonna nos malades pour le salut du corps d’armée ; mais depuis que le choléra l’avait frappé, tout allait au hasard : on sentait qu’un nouveau chef était indispensable.

Il fut évident le 29 que le colonel finissait. La souffrance avait plusieurs fois dominé cette dignité dont il avait eu tant de souci : « Puisqu’on dit que l’eau est mortelle, s’écriait-il, donnez-m’en, que je meure ! » Il tomba dans