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leurs chefs. Le lieutenant Nobre de Gusmão donnait constamment l’exemple du dévouement pour les malades ; et les soldats avaient pris, à le voir faire, l’habitude des soins mutuels, ignorés dans les autres corps.

Tel était l’état de plus en plus déplorable où nous trouva le 28. Nous allions de temps en temps examiner le niveau de l’eau pour voir si elle baissait, puisque c’était là notre unique voie de salut. Nous n’avions rien à manger, et à peine pouvait-on se procurer à prix d’or quelques oranges que les nageurs les plus intrépides apportaient à longs intervalles. Ce furent, au reste, les seuls adoucissements auxquels ne parurent pas insensibles le colonel Camisão et le lieutenant-colonel Juvencio, dans la soif de leur agonie, que l’eau ne faisait qu’irriter.

L’attroupement au bord de la rivière était de plus en plus considérable depuis le passage du corps des chasseurs : tous leurs mouvements sur l’autre rive étaient suivis des yeux et commentés, et, de temps en temps, quelqu’un se jetait à la nage, ou se risquait dans un cuir pour tâcher d’aller les rejoindre, malgré les ordres déjà donnés. La mort de plusieurs