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d’une part, et de l’autre sa conscience de fonctionnaire public attaché à l’expédition lui paraissant dans le cas actuel être en contradiction absolue, il ne pouvait que garder le silence.

Le commandant alors, comme hors de lui, ordonna qu’où allât immédiatement, aux flambeaux, ouvrir une clairière dans le bois voisin pour y transporter et y laisser les cholériques. Ordre terrible à donner, terrible à exécuter, mais qui pourtant, il faut bien le dire, ne souleva nul dissentiment, nulle censure ! Les soldats se mirent aussitôt à l’œuvre, comme s’ils eussent obéi à une consigne ordinaire, et ensuite (tant le sens moral avait disparu sous la nécessité présente !) ils placèrent dans le bois, avec la spontanéité de l’égoïsme, tous ces condamnés innocents, les malheureux cholériques, souvent des compagnons de longue date, parfois des amis éprouvés par des dangers communs.

Et, ce qui peut sembler non moins étrange, les cholériques eux-mêmes, au premier moment, sans qu’il fût nécessaire de recourir à aucun subterfuge, acceptèrent avec résignation ce dernier coup du sort. Les douleurs de cette horrible maladie contribuaient probablement à l’in-