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tués pour être mangés. Pendant toute la soirée, les cas d’épidémie se multiplièrent au point qu’il devenait impossible de concevoir comment on ferait pour avancer. Un essai de dispositions nouvelles pour les litières, fait par ordre du commandant, porta jusqu’au désespoir le mécontentement des soldats, qui n’y voyaient qu’un surcroît de charge et de fatigue. On put même pressentir parmi eux la naissance d’une idée de sauve-qui-peut général : « En nous jetant tous dans le bois, disaient-ils, quelques-uns arriveront à Nioac, et du moins nous ne serons plus les esclaves d’agonisants, la plupart forcenés. »

Cependant les ennemis étaient venus occuper notre dernier campement ; ils envoyèrent contre nous une nuée de tirailleurs, qui ne se montra que pour se dissiper devant deux de nos compagnies. Alors, comme nous étions hors d’état de songer à les poursuivre, ils employèrent leurs loisirs à fouiller notre dernier lieu de stationnement dans tous ses recoins. Ils remarquèrent les tertres fraîchement remués, et ouvrant des fosses, ils en tirèrent les cadavres pour les dépouiller, pour s’emparer de quelques misérables haillons qu’ils se disputaient ensuite