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Ce ne fut qu’à dix heures de cette matinée du 25 que nous commençâmes à nous mettre en mouvement pour gagner la rive droite du Prata, où nous avions occupé une hauteur qui domine tous les environs. Le transport devait être d’une lenteur extrême ; comment en aurait-il été autrement ? Le nombre des litières auxquelles il fallait faire passer l’eau était de quatre-vingt-six, employant chacune huit hommes qui se relayaient : tous d’ailleurs de mauvais vouloir et rebutés, les plus récalcitrants montrant leurs pieds écorchés et saignants. Les officiers, l’épée à la main, exigeaient l’accomplissement de ce devoir, d’autant plus pénible qu’on ne pouvait en espérer aucun bon résultat ; tous les malades étant à peu près condamnés d’avance, on sacrifiait ainsi pour des moribonds ce qui restait de force et d’avenir dans le corps d’armée. Nous avions perdu bien au delà de cent hommes depuis l’invasion du mal, et il venait d’en être enterré encore une vingtaine avec le lieutenant Guerra, dans le campement que nous quittions.

À deux heures de l’après-midi, et à force de travail, tout se trouvait sur la rive droite, notre dernier chariot ayant été brûlé et ses bœufs