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d’une attaque de tirailleurs ; ils furent repoussés par quelques-uns des nôtres, et le feu aussi passa ; mais l’autre ennemi, le choléra, l’ennemi occulte, redoubla les coups dont il nous frappait : il ne faisait grâce à personne. Une famille tout entière disparut le même jour : père, mère et enfant succombèrent en quelques heures, foudroyés ensemble. Un enfant à la mamelle périt d’inanition, ayant passé des bras de la mère mourante à son mari, et de celui-ci à des camarades sans nourriture eux-mêmes.

On apprit aussi que deux de nos hommes étaient devenus fous. Ainsi s’expliquaient les cris perçants qui avaient joint leurs notes aiguës à tous les bruits qui nous affligeaient d’habitude, plaintes, fureurs et désespoir. Un autre mal commença : la désertion ; vingt-quatre soldats de la ligne de défense du camp disparurent. Ils n’avaient pourtant rien à attendre que la mort par la faim ou par les mains de l’ennemi. À dater de ce jour il n’y eut plus, dans le bois, de fourré où quelque fugitif ne se cachât. Nos Indiens Guaycourous nous quittèrent, la crainte du sort qui les attendait, s’ils étaient pris par les Paraguéens, ne suffisant plus à les retenir.