par un énorme tronc d’aroueïra[1] que l’on trouva non loin de là. Alors seulement l’artillerie put être transférée sans accident. Un seul chariot la suivait : nous avions brûlé les autres dans la nuit pour entretenir les feux qui nous garantissaient d’un engourdissement complet, et celui-là n’avait été épargné que comme pouvant servir au passage de nos blessés d’un bord de la rivière à l’autre.
La rive où nous abordions était inondée, et les malheureux invalides y furent encore plusieurs fois trempés dans l’eau et repris à bras avant d’être placés dans des litières ou sur des cacolets. Les femmes qui nous suivaient, comptées en tête du pont au nombre de soixante et onze, étaient à pied, excepté deux montées sur des mulets ; elles étaient presque toutes chargées d’enfants à la mamelle ou en bas âge. L’une d’elles passait pour s’être conduite en héroïne ; on se la montrait. Un Paraguéen s’étant acharné contre elle pour lui arracher l’enfant qu’elle portait, elle avait ramassé d’un bond un sabre abandonné à terre et tué du coup l’assaillant.
- ↑ Arbre de la famille des térébinthacées.