Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

marche, les Paraguéens, qui avaient occupé avant nous toutes les hauteurs environnantes, ne cessèrent de tirer, mais sans produire grand effet. Leurs charges de peloton elles-mêmes ne nous causaient pas plus de dommage que les bruyantes clameurs et les hourras dont elles étaient accompagnées. Des moqueries sur nos misères parvinrent quelquefois à nos oreilles. « Prenez donc notre bétail, et rassasiez-vous. » Quelques balles ajustées par des hommes avides de vengeance eurent raison de ces ironies.

Il arrivait à peu près tous les jours que le soleil, faible le matin après des nuits glacées, se montrait ensuite d’une ardeur suffocante : variation perpétuelle qui achevait de ruiner les santés. Ce jour-là encore des nuages épais, s’amoncelant à l’ouest, donnèrent de bonne heure un nouveau déluge et convertirent en torrent furieux un ruisseau, gros par lui-même, que Lopès n’avait pas signalé et qui nous obligea à une troisième halte aussi cruelle que les précédentes. Nous mourrions de froid, étant à jeun, et n’eûmes du feu qu’à grand’peine, vers minuit, à force d’accumuler du bois vert qui se consumait presque sans flamme.