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bant de lassitude et de détresse, le visage brûlé, la gorge desséchée et ardente, demeurèrent longtemps étendus, sans voix et sans mouvement. Trois d’entre eux ne se relevèrent pas, et plusieurs autres restèrent pour toujours souffrants et valétudinaires.

Les Paraguéens, s’étant ralliés après l’incendie, occupaient une colline d’où ils nous dominaient, et le repos, qui nous était si nécessaire, n’était pas possible avant qu’on se fût débarrassé d’eux.

Notre artillerie les contraignit à aller chercher l’abri du versant opposé.

La nuit était venue ; il faisait un clair de lune magnifique, dont le calme contrastait avec les lueurs sinistres de quelques restes d’incendie errants dans la campagne. Lorsque nos clairons donnèrent enfin le signal du repos, ceux des Paraguéens en firent autant au loin, comme un écho moqueur. Tout nous semblait insulter à nos maux : la faim était parmi nous avec toutes ses tortures ; le triste prélude en est une défaillance qui anéantit courage et volonté. Nous manquions de tout, le dénuement était complet : à peine étions-nous vêtus, officiers et