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fichés en terre par la baïonnette ; cette veille n’est pas moins péniblement marquée dans nos souvenirs que celle du 5, parmi tant d’autres haltes désastreuses. Il faut avoir assisté, l’âme déjà chargée de tristesse, à ces effroyables crises de la nature, pour avoir un juste sentiment de leur influence sur l’organisme humain. Nous n’avions nulle ressource. Il ne se trouvait pas dans tout le camp une goutte de liqueur forte pour entretenir la chaleur interne qui nous abandonnait ; le feu, notre dernier espoir, ne pouvait être allumé sous la tempête.

Ce fut dans cet état de défaillance universelle que vint nous frapper encore la confirmation de tout ce qu’avait déclaré le blessé paraguéen : Curupaïty et Humaïta tenaient toujours, et la guerre était loin de son terme. Nous l’apprîmes par un numéro du Semanario, journal hebdomadaire de l’Assomption, qui venait d’être trouvé sur un ennemi tué dans une escarmouche. Le bruit s’en était répandu avec la rapidité de propagation qu’ont les mauvaises nouvelles, éteignant les dernières étincelles de confiance et de courage : il fut impossible de marcher le 13.