Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/129

Cette page a été validée par deux contributeurs.

toutes douloureuses. La même soirée devait nous donner une cause sérieuse d’inquiétude ; on reconnut l’absence d’un soldat du bataillon des volontaires. Ce misérable, vicieux par nature et à demi frappé d’idiotisme, ayant volé un de ses camarades, s’était dérobé au châtiment par la désertion, et il y avait lieu de craindre que le commandant paraguéen n’eût par lui des informations malheureusement trop exactes sur notre manque de vivres et sur la nécessité où déjà nous nous trouvions de battre en retraite.

En effet, le colonel avait eu à donner des ordres conformes à cette nécessité. On ne sait s’il se la dissimulait réellement à lui-même, comme il tentait de le faire aux yeux des autres, en qualifiant le mouvement rétrograde de contremarche sur la frontière de l’Apa, pour y occuper solidement une forte position, avant de s’avancer davantage dans le pays ; mais personne n’y fut trompé : c’était une retraite.

Il voulut au moins la couvrir par un fait d’armes qui eût de l’éclat ; car il tenait à montrer aux ennemis du pays, comme aux siens propres, que, si nous revenions sur nos pas, ce n’était point que nous y fussions forcés par la