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hommes, et notre commandant s’était efforcé, selon la règle de la guerre, d’entretenir cette erreur. L’illusion avait fait son temps : elle s’évanouit au premier coup d’œil jeté sur nous.

Cela aurait dû être une raison de plus pour attaquer à l’instant, mais le commandant nous tint immobiles.

Nous n’en sûmes la cause que plus tard ; elle venait de son caractère même : nous étions au vendredi saint, et l’initiative d’une action sanglante le jour de la mort du Sauveur répugnait à un cœur religieux comme celui de notre chef, esclave de tous les nobles sentiments et se les exagérant jusqu’à la contradiction, inquiet et comme troublé par le pressentiment d’une fin prochaine.

Son hésitation dura assez longtemps pour que le détachement paraguéen, ne craignant plus d’être attaqué, et plein de mépris peut-être pour notre petite troupe jetée sans chevaux dans de grandes plaines à fondrières où tout piéton est un objet de risée, s’avisa de nous témoigner insolemment par ses allures le dédain que lui inspirait l’infériorité de nos ressources militaires, et de nous faire voir par d’éclatantes