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RÊVES

de la liberté, nous garderons intacte l’étrange espérance que nous ont donné ses premières oeuvres. Nous les interrogerons tant que nous vivrons, sans que l’embarrassante personne de leur auteur parvienne à nous en détourner. C’est là-même, nous en sommes toujours aussi sûrs, à l’heure prévue pour l’arrivée de ce train, à cette heure qui ne peut tarder, c’est parmi ces arcades et quand se sera calmé le vent qui monte abominable de la terre à lancer verticalement le rouge des oriflammes, que le livre dont nous avons si longtemps contemplé la reliure muette s’ouvrira au feuillet marqué. C’est seulement alors qu’en signes fulgurants se précisera pour tous le sens, je crois extrêmement particulier, de notre intervention. Car nous ne sommes pas, dans la littérature et dans l’art. Toute notre impatience vient de ce que nous savons qu’un jour, en ayant bien fini avec tous ceux qu’on nous compare encore, nous aurons seuls à intervenir. ANDRÉRRETON.

RÊVES

Marcel Noll :

I

C’est la révolution. Le matin de ce jour Sade a été conduit en prison par un détachement de chevaux-légers. Le roi (dont je suis un des conseillers), sa suite et la majeure partie du peuple qui lui est restée fidèle, habitent un ensemble de vieilles maisons (apparemment l’Hôpital Civil de Strasbourg) qui, entourées d’un haut mur et protégées de tourelles composent la résidence royale.

Sans l’avoir vue encore, je sais que je dois aimer la fille du roi, Augustina, qui admire et estime hautement le marquis de Sade qu’elle a vainement protégé contre les poursuites de son père.

Je suis avec le roi et deux de ses conseillers dans une pièce carrée dont l’unique fenêtre domine la route nationale. Accoudé, à cette fenêtre, j’assiste à cette scène : quelques cavaliers accourent au trot, se dirigeant vers la résidence, sans doute pour y rendre compte d’une mission remplie. Une jeune fille que je reconnais aussitôt pour être Augustina, s’élance vers eux et tente d’arrêter les chevaux. Mais elle est bientôt traînée à terre et maltraitée par les cavalier?. Me rendant compte du danger couru par la jeune fille, je veux m’élancer au dehors pour la secourir. Mais le roi, devinant mon projet, ordonne à ce moment à toutes les personnes présentes de s’agenouiller à l’effet de prier. Eou de colère, je sors mon revolver et le décharge à plusieurs reprises sur le roi. Celui-ci part d’un énorme éclat de rire et me fait savoir que la meilleure façon qu’il avait de me punir était de me laisser tranquille. Il me tient une sorte de discours où revient constamment le sens de cette phrase : « La prison ou la mort ne sont pas pour les amoureux. »

Pendant ce temps, la jeune fille a eu la force de se traîner jusqu’à noue porte. Elle est poursuivie par toute la populace de la résidenc qui l’injurie et la menace de mort. J’ai grande peine à laisser entrer Augustina et à empêchée les manifestants d’envahir la pièce. J’y réussis pourtant, et bientôt, devant moi, se tient la jeune fille, presque nue, le dos couvert des traces de coups de cravache. Je remarque quelques ecchymoses sur son sein droit. Elle m’enlace sans mot dire.

Des servantes s’empressent bientôt autoui d’Augustina pour lui laver les blessures qui disparaissent, aussitôt sans laisser de traces. Durant tout le temps que durent ces opérations, je suis muet, en admiration devant la