LE SURREALISME
ET LA PEINTURE
(Suite)
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...Tel homme aux moustaches trop grises pour l’oeil trop bleu connaît maintenant le pire sommeil, auquel préfèrent le leur les morts. Les souris et les rats qui le contemplent ne saventrop sur quelpied danser. J’ai vu dernièrement un de ses portraits. Il a la tête un peu plus peut chée sur l’épaule et c’est tout. Quel abbé Brcmond de misère et d’horreur Aiendra d’ici peu nous entretenir de la peinture « métaphysique », de la peinture rêvée et, à ce propos, de tout ce que de 1910 à 1916 Chirico lit d’incomparable, et qu’il comparera ?
J’ai mis, nous avons mis cinq ans à
désespérer de Chirico, à admettre qu’il eût perdu tout sens de te qu’il faisait. Nous y sommes-nousassez souvent retrouvés sur cette place où tout semble si près d’être et est si peu ce qui est ! C’est là que nous avons tenu nos assisesinvisibles, plus que partout ailleurs. Là qu’il eut fallu nous chercher nous et le
manque de coeur. C’était le temps où nous n’avions pas peur des promesses. On voit comme déjà j’en parle à mon aise. Des hommes comme Chirico prenaient alors figure de sentinelles sur la route à perte de vue des Qui-vive. Il faut dire qu’arrivés là, à ce poste où il se tenait, il nous était devenu impossible de rebrousser chemin, qu’il y allait de toute notre gloire de passer. Nous sommes passés. Plus tard, entre nous et à voix basse, dans l’incertitude croissante de la mission qui nous était confiée, nous nous sommes souvent reportés à ce point fixe comme au point fixe Lautréa- .mont, qui suffirait avec lui à déterminer notre ligne droite. Cette ligne, dont il ne nous appartient plus désormais de nous écarter, peu importe que Chirico lui-même l’ait perdue de vue : longtemps il ne tiendra qu’à nous qu’elle soit la seule. Quelle plus grande folie que celle de cet homme, perdu maintenant parmi les assiégeants de la ville qu’il a construite, et qu’il a faite imprenable 1A lui comme à tant d’autres, elle opposera éternellement sa rigueur terrible, car il l’a voulue telle que ce qui s’y passe ne pourrait pas ne pas s’y passer. C’est l’Invitation à l’Attente que cette ville toute entière comme un rempart, que cette ville éclairée en plein jour de l’intérieur. Que de fois j’ai cherché à m’y orienter, à faire le tour impossible de ce bâtiment, à me figurer les levers et les couchers, nullement alternatifs, des soleils de l’esprit! Epoque des Portiques, époque des Revenants, époque des Mannequins, époque des Intérieurs, dans le mystère de l’ordre chronologique où vous m’apparaissez, je ne sais quel sens attacher au juste à votre succession, au terme de laquelle on est bien obligé de convenir que l’inspiration a abandonné Chirico, ce même Chirico dont le principal souci est aujourd’hui de nous empêJier de prouver sa déchéance.
Il m’est déjà arrivé (*) à d’autres propos, de me référer à l’observation transcrite par Taine et qui porte sur un très émouvant cas d’hallucination progressive avec intcgriléjde la raison. 11s’agit, on s’en souvient, de l’histoire (l’un homme qui, traité cinq jours au cours d’une maladie par la diète, suit de son lit les démarches mystérieuses d’une créature issue de ses rêves, assise près de lui dans la pose du tireur d’épine, mature des plus gracieuses et dont la main parfaite, posée sur la couverture à trente centimètres des yeux de l’observateur,
- Voirles il""4 et G(-ela R. S.
(•) Cf.Mani/csledu surréalisme,p. 11,