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LE PONT DE LA MORT

Navigateur du silence, le dock est sans couleur, et sans forme ce quai d’où partira, ce soir, le beau vaisseau fantôme, ton esprit. Autrefois tu te contentais d’allumer de faciles chansons et seul l’incendie des pianos mécaniques éclairant ta nuit. Dans la rue perpendiculaire une négresse assise sur le seuil de sa chambre à coucher, de sa chambre à travailler, dès que le passant l’avait dépassée, renonçait à sa majesté vénale, et dans le ruisseau, unique souvenir d’un Congo originel, ramassait à pleines mains des débris de légumes, des papiers gras. Et ce n’était pas seulement pour se venger de son indifférence qu’elle bombardait l’homme, mais cette reine devenue mégère à la fin du compte se changeait en oiseau, voletant autour du promeneur, sa victime, roucoulait si gentiment que lui, oublieux des taches sur son veston, se demandait soudain si les colombes, au contraire d’une opinion professée,