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tate « on vivote » pour vanter, après cette jolie découverte, L’Amour et Dieu, je me rappelle une chanson de Morin où l’attirail religieux, qui prend aussi un sens réaliste et optimiste, paraît d’une signification plus haute, plus respectable, qu’on en juge d’après les quatre vers de ce couplet :


Je r’garde entre ses jambes
J’y vois le paradis
Je r’garde entre mes jambes
Et j’y vois Jésus-Christ.


Mais, pour en revenir à nos moutons, c’est-à-dire à nos critiques rationalisto-réalisto-positivisto-néo-mystiques, si en dépit de leurs efforts vers la pertinence ils ne décollent pas de cette terre où vivent d’ailleurs bien gras, bien luisants, des vers amoureux des étoiles, c’est que trop sensibles encore à certain esthétisme, dupes de quelques images et syllabes bien ronflantes, ils se paralysent sous des cuirasses de sens commun et d’une contre-suite imposée à ce brouillard, leur pensée, croient prendre la notion précise de soi. Ainsi, en est-il d’ailleurs depuis le trop fameux cogito ergo sum. Mais que ce soit à Descartes que nous devions d’assister à la revendication d’une propriété intellectuelle dont les droits ne sont pas plus justement fondés que ceux des possessions matérielles individuelles, en dépit du respect communément voue à la fameuse phrase je pense donc je suis, comment ne pas condamner un individualisme qui méconnaît les phénomènes d’un échange impondérable mais réel, les richesses de nos domaines indivis en même temps que cette évidence communiste de l’esprit, une évidence que nul ne peut nier après certaines rencontres, et aussi les transmissions inexpliquées et inexplicables si chaque homme se boucle en soi-même, comme une vieille putain croulante dans son corset. A noter d’ailleurs que cet individualisme ne voit la liberté, le progrès que comme un égoïsme dont l’unité se gonfle. Ainsi avons-nous eu l’autre famille, l’autre patrie, l’autre religion. Mais finalement, comme ils manquent de véritable confiance en soi, tous ceux qui faisant semblant de se soumettre aux objets, au monde extérieur qu’ils disent objectif, en réalité construisent pour leur personne, dont ils ont un goût mesquin encore qu’exclusif, des prisons. Le mal du siècle n’est que dans l’ennui résigné et verbal de ceux qui renoncent et se vantent de renoncer, par bon sens ou esprit religieux. Le bien du siècle est dans ce principe même de révolution à quoi aboutissent les hommes dociles à l’esprit.

René Crevel