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CONFESSION

D’ON ENFANT

DO SIECLE

i

Je jouais seul. Mes six ans vivaient en rêve. L’imagination nourrie de catastrophes maritimes, je naviguais sur de beaux navires vers des pays ravissants. Les lames du parquet imitaient à s’y méprendre les vagues tumultueuses et je transformaisà mon gré la commode en continent et les chaises en îles désertes. Traversées hasardeuses! Tantôt le Vengeur s’enfonçait sous mes pieds, tantôt la Méduse coulait à fond dans une mer de chêne encaustiqué. Je nageais alors à forée de bras vers la plage du tapis. C’est ainsi que j’éprouvai un jour la première émotion sensuelle. Je l’identifiai instinctivement aux affres de la mort et dès lors, à chaque voyage, je convins de mourir noyé dans un océan vague où le souvenir des vers à’oceano nox :

O combien de marins ! combiende capitaines ! Qui sont partis joyeux vers des rives lointaines, lus par hasard dans un livre dérobé, se mêlait à l’épuisante volupté.

Hugo domina mon enfance. De même que je n’ai jamais pu faire l’amour sans reconstituer les drames innocents de ma jeunesse, je n’ai jamais pu éprouver d’émotion poétique d’une autre qualité que celle que j’éprouvai à la lecture de La Légendedes Siècleset des Misérables Je vécusainsi de six à neuf ans. Les derniers échos de l’affaire Dreyfus, des bribes de eonVers.liions entendues, le chiffre quatre-vingt treize, le nom de Robespierre qui réunit nies deux prénoms Robert et Lierre, me permettaient (l’imaginer une République révolutionnaire pour laquelle ic me battais sur des barricades de fauteuils et de tabourets. Nous habitions en lace de Saint-Merry. Le souvenir de l’insurrection du cloîtrese confondait avec les cloches du Nord, dans l’admirable chanson du Pont du Nord et, de mon lit, quand je m’éveillais la nuit, je pouvais apercevoir un bout: de trottoir éclairé sinistrenient par réverbère évocatcur d’attaques nocturnes. J’ai d’ailleurs la bonté de prévenir le lecteur que je mêle le rêve et la réalité, le désir et la possession,le futur cl le passé. Qu’il se le tienne pour dit.

Gustave Aymard me donna la première image (le la femme. Je poursuivis alors en compagnie d’Espagnoles lui.îles le cheval sauvage et le chasseur de chevelure dans des savane; parfumées. L’héroïsme désormais se confondit avec ’amour. Le sang coula gratuitement pour satisfaire des lèvres sensuelles,-pour provoquer le tressaillementde seins réguliers. La solitude OÙje vivais se confondit avec les grandes solitudes naturelles où il n’y a place que pour l’image de la passion.

Au reste, j’allais à l’école ; la maîtresse qui nous enseignait à lire et à écrire, était jeune. Je ne rêvais que d’elle et rien ne m’honorait plus que son approbation,

Un jour, l’un des élèves ayant été particulièrement, insupportable, elle le fouetta. Le spectaclede celte honteuse nudité, l’humiliation ressentie par quelqu’un de mon sexe, la cruauté sensuellede la jeune femme, m’émurent si profondément que je ressentisaussitôt les sensations familières à mes naufrages imaginés. Lue haine solidaire de celle de mon camarade se mêla à mon affection pour la jeune maîtresse. J’avais besoin de me venger et cependant elle m’était plus chère que jamais depuis cet incident. Je guettais dans la rue les petites filles se rendant à l’école. Je les pinçais, je lesgiliais, je leur tirais les cheveux et c’est d’un coeur rassénéré que je rentrais dans la classe OÙdes lettres de craie rayonnaient comme des astres sur le tableau noir. Je rêvais de la vengeancelundis que Vallonnement des élèves, pareil aux gammesmonotones d’une jeune pianiste, se mêlait au sifflement du gaz.

CIRE

(Mexique)