u - - ENTREE DES SUCCUBES = forcenée que j’avais quelque contentement à transmettre aux timides amis de nos jire-" mières démones. On voit bien qu’avec les secondes il ne leur servirait de rien. J’imagine aussi que ces héros de l’alcôve n’ont, aucun désir d’écarter de leur sommeil une obsession qui les (latte, et qui ranime en eux cela même pourquoi ils ont tant de complaisance. Ils ont perdu cette mentalité puérile et utilitaire que l’on voit aux faux Don Juans de nos jours. Ils ne craignent pas comme eux que quelque chose soit distrait île leur pouvoir. Ils ont assez le goût du plaisir, et la sagesse de cet entraînement, pour le saluer d’une humeur égale, d’où qu’il leur vienne. Ils ne songent point à cette épargne de leur l’eu, qui n’est ])as tant le propre des amoureux véritables, que des vaniteuxou des ambitieux qui veulent, surtout étaler leurs prouesses et en tirer quelque fruit qui n’est point, le seul plaisir. Quand éveillés soudain par la vivacité cleleurs sensations ils constatent leur solitude, ils ne se répandent pas en jurons, en expressions vulgaires cl basses, comme font ceux qui avaient misé sur une réserve de vigueur une modification de leur sort. Ils vaquent au soin de leur corps avec cette équanimité qui caractérise, l’élévation du coeur. Us remercient, ce faisant, la nuit finissante, qui leur fut propice. Ils pensent à l’impalpable maîtresse qui les quitta, et tâchent de n’en point oublier les traits fugitifs. Puis attendent l’heure où les convenances permettront qu’ils apprennent à quelque amie qu’ils ont, et parfois que vraiment ils aiment, les événements qui n’ont eu pour complices que les ténèbres, cl non pas l’égarement de leur volonté. Cependant les auteurs modernes, je veux dire depuis quelques siècles, ont observé la fréquence des femmes laides parmi les succubes. Cela n’était pas d'abord j>our éveiller l’attention des savants, dans l’état que se trouvait l’étude de la démonialité. On croyait alors communément que les sorcières n’étaient pas d’essence différente des démons. On disait donc que des sorcières pouvaient ainsi être succubes. Mais nos idées ont bien changé depuis que nous avons plus sérieusement étudié les sorcières. Celles ci appartiennent indubitablement à l’espèce humaine. Dès lors, pourquoi considérerait-on les succubes laides comme sorcières, plutôt que femmes ? Si elles sont femmes, on conçoit qu’elles n’aient pas le jiouvoir de tromjier la nature par la beauté d’une forme élue, et plus elles sont laides, mieux on comprend que leur soit nécessaire de recourir au succubat pour satisfaire f’excès d’un emportement que leur aspect malheureux ne sait point servir. Ceci ne signifie pas nécessairement que les succubes-femmes sont toujours laides. Mais, au dire des connaisseurs, et dans la mesure où l’on nous permettra de faire appel à nos souvenirs, suivant noire faillie expérience personnelle, c’est pure exception (ju’une très belle personne, qui peut par les voies ordinaires se proc tirer des amants sérieux et agréables en vienne à courir ainsi clandestinement les alcôves jiar une voie qui supjiose quelque damnable accointance. Je le regrette. J’ai pensé même, en exposant il’une façon un peu didactique un sujet que les hommes gardent généralement pour la confidence l’intimité, engager certaines personnes de ma connaissance, que je trouve extrêmement belles et bien faites, à prendre quelque curiosité de moeurs qui leur sont étrangères, lit je ne désespère pas, cette idée faisant sans moi son chemin, de les voir débarquer quelque nuit dans mes rêves, avec cet éclat naturel, auquel j’ai toujours pris plaisir. Si parfois il se rencontre une beauté reconnue, qui par ce chemin singulier hante des hommes qui ne lui refuseraient certes pas un autre commerce, on jieut presque toujours affirmer qu’elle ]irésente dans le secret de son coeur quelque anomalie bien à plaindre,un amour malheureux ou le souvenir d’un crime ancien. Ce sont, detroublantes rencontres, si, danslepuits du sommeil, vous avez gardé comme une étoile ce qu’il faut de conscience à un homme pour éjirouver l’enivrante majesté du malheur. Maisil est peu donné, le plaisir de cette magique étreinte. Les succubes humaines sont le jilus souvent marquées du sceau magistral de la hi(leur. 11y a, partant, dans leur amour un principe qu’on ne trouve pas avec les démones. Avec Man llay.
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