Page:La Révolution surréaliste, n05, 1925.djvu/6

Cette page n’a pas encore été corrigée

Araignée géante qui pétrifie au centre de notre planète les épopées et les fastes des peuples, pourquoi gardes-tu si longtemps ces fossiles dans tes coffres de dentelle ? Donne-nous ces pierres comiques, ces rhomboèdres obscènes, ces résidus de vie, ces débris de vengeances et de sang, afin que nous en riions une dernière fois. Et vous, poulpes, donnez-nous ces astres et ces passions que vous conservez dans vos cavernes de l'Océan Pacifique, sinon la terre se dispersera dans le ciel, et sur chaque aérolithe né de sa mort, un homme se desséchera dans la pureté de l'éther.

Paul Eluard : L'image d'homme, au dehors du souterrain, resplendit. Des plaines de plomb semblent lui offrir l'assurance qu'elle ne sera plus renversée, mais ce n'est que pour la replonger dans cette grande tristesse qui la dessine. La force d'autrefois, oui, la force d'autrefois se suffisait à elle-même. Tout secours est inutile, elle périra par extinction, mort douce et calme. Elle entre dans des bois épais, don!: la silencieuse solitude jette l'âme dans une mer où les vagues sont des lustres et des miroirs. La belle étoile de feuilles blanches qui, sur un plan plus éloigné, semble la reine des couleurs, contraste, avec la substance des regards, appuyés sur les troncs de l'incalculable impéritie des végétaux bien accordés. Au dehors du souterrain, l'image d'homme manie cinq sabres ravageurs. Elle a déjà creusé la masure où s'abrite le règne noir des amateurs de mendicité, de bassesse et de prostitution. Sur le plus grand vaisseau qui déplace la mer, l'image d'homme, s'embarque et conte aux matelots revenant des naufrages une histoire, de brigands : « A cinq ans, sa mère lui confia un trésor. Qu'en faire ? Sinon de l'amadouer. Elle rompit, de ses bras d'enfer la caisse de verre où dorment les pauvres merveilles des hommes. Les merveilles la suivirent. L’œillet de poète sacrifia les cieux pour une chevelure blonde. Le caméléon s'attarda dans une clairière pour y construire un minuscule palais de fraises et d'araignées, les pyramides d'Egypte faisaient rire les passants, car elles ne savaient pas que la pluie désaltère la terre. Enfin, le papillon d'orange secoua ses pépins sur les paupières des enfants qui crurent sentir passer le marchand de sable. » L'image d'homme rêve, mais plus rien n'est accroché à ses rêves que la nuit sans rivale. Alors, pour rappeler les matelots à l'apparence de quelque raison, quelqu'un qu'on avait cru ivre prononce lentement cette phrase : « Le bien et le mal doivent leur origine à l'abus de quelques erreurs. »

L'absolue nécessité, l'absolu désir, découdre tous ces habits, le plomb de la verdure qui dort sous la feuillée avec un tapis rouge dans les cheveux d'ordre et de brûlures semant la pâleur, l'azurine de teinte de la poudre d'or du chercheur de noir au fond du rideau dur et renâclant l'humide désertion, poussant le verre ardent, hachure dépendant de l'éternité délirante du pauvre, la machine se disperse et retrouve la ronde armature des rousses au désir de sucre rouge. Le fleuve se détend, passe avec adresse dans le soleil, regarde la nuit, la trouve belle et à son goût, passe son bras sous le sien et redouble de brutalité, la douceur étant la conjonction d'un œil fermé avec un œil ouvert ou du dédain avec l'enthousiasme, du refus avec la confiance et de la haine avec l'amour, voyez quand même la barrière de cristal que l'homme a fermé devant l'homme, il restera pris par les rubans de sa crinière de troupeaux de foules, de processions, d'incendies, de semailles, de voyages, de réflexions, d'épopées, de chaînes, de vêtements jetés, de virginités arrachées, de batailles, de triomphes passés ou futurs, de liquides, de satisfactions, de rancunes, d'enfants abandonnés, de souvenirs, d'espoirs, de familles, de races, d'armées, de miroirs, d'enfants de chœur, de chemins de croix, de chemins de fer, de traces, d'appels, de cadavres, de larcins, de pétrifications, de parfums, de promesses, de pitié, de vengeances, de délivrances _dis-je _ de délivrances comme au son des clairons ordonnant au cerveau de ne plus se laisser distraire par les masques successifs et féminins d'un hasard d'occasion, aux prunelles des haies, la cavalcade sanglante et plus douce au cœur de l'homme averti de la paix que la couronne des rêves, insouciante des ruines du sommeil.


Dédé Sunbeam.

Quand une femme meurt, les poissons rient. A chaque travail correspond une couleur. A chaque jour suffit sa queue. L'eau ne coule que dans les livres. Ainsi parla le vieillard. Et moi je sortis. J'allai où vont nos jambes quand nos yeux ont le courage d'affronter l'air pur en faisant abstraction des marches nuptiales. Des assiettes plates se renvoyaient les mots d'ordre comme des bulles de savon au bout de raquettes de nacre. Des boutons se roulaient sur le sol (ma vue leur donnait le delirium tremens). Les femmes avaient déjà cessé de m'intéresser et j'en étais réduit à me souhaiter mes anniversaires plusieurs fois par an. Le vieillard qui avait un jour de carême prétendu que les poissons riaient de la mort des femmes (quelles femmes ?) devait maintenant jaunir au bout de quelques aiguilles de sapin. Moi, je restais là, en proie aux poissons apprivoisés et aux araignées délicieuses de Montmartre. Et que faire par ces journées limitrophes des temps stupides et ces nuits bordées d'événements affligeants, que faire sinon gratter désespérément le sol aux exigences inconcevables