Page:La Révolution surréaliste, n05, 1925.djvu/31

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHRONIQUES

29

Léon Trotsky : Lénine *

Acertainesallusionsquiontétéfaitesici-mêmeet ailleurs on a pu croireque d’un communaccordnousportionssur la Révolutionrusseet sur l’espritdeshommesqui la dirigèrentun jugementassezpeufavorableet que,si nousnous abstenionsà leurégarddecritiquesplusvives,c’étaitmoins par manqued’envied’exercersur eux notresévérité,que pour ne pas rassurerdéfinitivementl’opinion,heureuse de n’avoirà compterqu’avecune formeoriginaledelibéralismeintellectuel, commeelleena vuettolérébiend’autres, d’abordparcequecelanetirepasà conséquences, du moins

ù conséquences

immédiates,ensuiteparcequ’àla rigueurcela peut être envisagé,par rapportà la masse,commepouvoir de décongestion.11n’en est pas moinsvrai que pour ma part je refuseabsolumentd’êtretenu poursolidairede tel ou teldemesamisdansla mesureoùil a crupouvoirattaquer le communisme,

par exemple,au nomde quelqueprincipe quece soit,

et mêmedecelui,apparemmentsi légitime, de la non-acceptalion

du travail.Je penseen effetque le

communisme,

en existantcommesystèmeorganisé,a seul permisau plusgrandbouleversement

socialde s’accomplir

dans les conditionsdeduréequi étaientlessiennes.Bonou médiocre,en soidéfendableou nonau pointde vuemoral, commentoublierqu’il a été l’instrumentgrâceauquelont pu êtreabattueslesmuraillesdel’ancienédifice,qu’ils’est révélécommele plus merveilleuxagent de substitution d’un mondeà un autrequi fut jamais? Pournous,révolutionnaires, il importepeu de savoirsi le derniermonde esl préférableà l’autre el, du reste,le momentn’esl pas venud’en juger.Tout au plus s’agirail-iltic savoirsi la Révolutionrussea pris fin,ce que je ne croispas. Finie, une révolutionde cette ampleur,si vite finie? Déjà les valeursnouvellesseraientaussisujettesà cautionque les anciennes7 Allonsdonc,nousne sommespas assezsceptiquespouren resterà celleidée.S’ilsetrouveparminous des hommesqu’unepareillecraintelaisseencorehésitants, il va sansdire queje m’opposeà ce qu’ilsengagentavec eux,sipeuquecesoit,l’espritgénéraldontnousnousréclamons, (pi ne doit restertenduvers rien tant que vers la réalitérévolutionnaire,

quidoitnousy faireparvenirpartous

lesmoyenset à toutprix.

Libre,danscesconditions,à LouisAragonde fairesavoir à DrieuLa Rochelle,par IciIre ouverte,qu’il n’a jamais crié: ViveLénine! maisqu*«il lebraillerademainpuisqu’on luiinterditcecri >•; libreaussià moiel à (ouiautred’entre nousde trouverque ce ne seraitpas une raisonsuffisante de se comporterainsi,et (piec’estfairela part trop belle à nospiresdétracteurs,quisontaussiceuxde Lénine,que de leur laissersupposerque nousn’-.gissonsde la sorte (piepardéfi.ViveLénine! au contraire,el seulementparce que.Léninel Onentendbienqu’il ne s’agit pas du cri qui se perd,maisdel’affirmationtoujoursassezhautede notre pensée.

11seraitfâcheux,en effet,’que nouscontinuionsen fait d’exemplehumain,à nousonrapporterà celuidesConventionnelsIrnneais, et que nous ne puissionsrevivreavec exaltationquecesdeuxannées,très bellesd’ailleurs,après lesquellestout recommence.

Cen’estpas dansun sentiment

poétique,si intéressantsoil-ïl, qu’il convientd’aborder une périodemêmelointainede révolution.El j’ai peur quelesbouclesdeRobespierto,

lebaindeMarat necoulèrent

un prestigeinutileà desidéesqui,sanseux,ne nousapparaîtraientplus si clairement.Violenceà pari — car c’est bien celle violencequi parlele plus éloquemmonlpour eux—ilesttouteuneparideleurcaractèrequinouséchappe; aussinousrattrapons-noussur lu légende.Maissi, comme je le crois,noussommesavanttoutà la recherchedemoyen’insurrectionnels,

je me demande,en dehorsde_l’émotion qu’ilsnousont donnéeunefoispourtoutes,je medemande pratiquementcequenousattendons.

Il n’en est pas de mêmedesrévolutionnaires russes,tels

qu’enfinnousparvenonsà les connnUreTun peu.A’oicidonc

ces ’nommesde qui nous avonstant entendumédireel qu’onnousreprésentaitcommeles ennemisde ce qui peut. encoretrouverg àce à nos yeux,commeles fauteursde je nosaisquelencoreplusgranddésastreutilitairequecelui auquelnous assistons.Voici(piedégagésde toute arriérepenséepolitique, ils noussont donnésen pleinehumanité; qu’ilss’adressentà nous,nonplusenexécuteursimpassibles d’unevolontéquineserajamaisdépassée,maisen hommes parvenusau faîtede leur destinée,dela destinée,el quise comptentsoudain,cl quinousparlent,et quis’interrogent. Je renonceà décrirenos impressions. Trotskyse souvientde Lénine.Et tant de claireraison passepar-dessustant de troublesque c’est commeun splcndideoragequise reposerait.Lénine,Trotsky,la simple déchargede cesdeuxnomsva encoreunefoisfaireosciller destêteset destêtes.Comprennent

elles7Necomprennent-

ellespas? Cellesquine comprennentpas semeublenttout de même,Trotskyles meubleironiquementde menus accessoiresde bureau: la lampede Lénineà l’ancienne Iskra,les papiersnon signésqu’il rédigeaità la première personneet plustard...enfintoutcequipeutfairelecompte aveuglede l’histoire.El je jureraisque rienn’y manque, en perfectionni en grandeur.Ah! certesce ne sontpas les autreshommesd’Etat quepar ailleursse gardelâchement le peupled’Europequipourraientêtrevussousce jour! Carla granderévélationdecelivre,et je ne sauraisassez y insister,c’est que beaucoupdes idéesqui noussont ici les plus chèreset desquellesnous avonspris l’habitude de faire dépendreétroitementle sens moral particulier quenouspouvonsavoir,ne conditionnentnullementnotre attitude en ce qui regardela significationessentielleque nousentendonsnous donner.Sur le plan moraloù nous avonsrésolude nousplacer,il semblebienqu’un Lénine soit absolumentinattaquable.Et si l’on m’objecteque d’aprèsce livre,Lénineest un typeel que « les typesne sont pas des hommes»,je demandequelest celuide nos raisonneursbarbaresqui aura le frontde soutenirqu’il y a quelquechoseà reprendredanslesappréciationsgénéralesportéesçàet là par Trotskysur lesautreset sur lui-même, et qui continueraà détestervraimentcet homme, et qui ne se laisseraen rien toucherpar son Ionde voix, quiest parfait.

Il faut lire les brillantes,les justes,les définitives,les magnifiquespagesde réfutationconsacréesaux Léiîinesde GorkietdeWells.Il fautméditerlongtempssurlechapitrequi traitede ce recueild’écritsd’enfantsconsacréà la vieet.à la mort de Lénine,en touspointsdignesdu commentaire, et surlesquelsl’auleurexerceunecritiquesi liueet si désespérée:


« Lénineaimait à pécher.Par une journéechaudeil prenaitsa ligneet s’asseyaitsurleborddel’eau,et il pensait toutle tempsà la manièredontonpourraitaméliorerta vie desouvriersel despaysans.»

VivedoncLénine!Je salueici 1resbas LéonTrotsky, lui quia pu, sansle secoursde biendesillusionsqui nous restental sans peut-êtrecommenous croire à l’éternité, maintenirpour 1101re euthousinsmecet inoubliablemot d’ordre: «Et sile tocsinrelonlilen occident,—et il retentira, — nous pourronsêtre alors ’enfoncésjusqu’aucou dans noscalculs,dansnos bilans,dans la N. E. P. mais nousrépondronsà l’appelsans hésitationel sans retard: noussommesrévolutionnaires

de la tête-aux pieds,nous

l’avonsélé, nousle resteronsjusqu’auboni.» A. BltKTON.

Pierre de Massot :

Saint-Just

ou le Divin bourreau

Pierrede Massots’attacheà évoquerles ligureslesplus terriblesde l’Histoire,les ombresdont on ne parlequ’à voixbasse,depeurqu’unéclatde voixouungestemaladroit provoquele couperetde la guillolineou la captureparsurpriseau petit matin.

Traîtreset espions,terroristes-quisemblent,jouer,saboteurs, réprouvés,révoltésde toutessortes,tous ceuxqui baissentlespaupièrespourcacherun regardaussipurmais aussimystérieuxquela nuit où tout eslpossible,tousceux pourlesquels«larougen’a pasditsonderniermol»,auxquels nul n’osajamaisdemanderun sacrificeparce qu’ils ont tout sacrifiédevantcellelibertéabsoluequi consumeleur corpset leur esprit,Pierrede Massotne songequ’à nous lesmontrer,qu’à lesexalter,pourjelerundiscréditnouveau sur toutesles vieillesconventionsmorales. Aprèsce Saint-Just,ce serale tour d’Elienne-MarccI el

de Bazaino,« il arrivequecertainsêtresprédestinestracent sur la trameincoloredesjoursune grandelueurmystérieuse à laquellepour toujoursrestentfixéslesyeuxdes honiates. Aucentredecellenuitdanslaquellenousconsentonsà vivre, ceslueursparallèlesconstituentune ligneidéaledu ciel à Venjer: unelignepourpredontle pointfinalest happépar la main des démons.»

P. E.

’*Librairiedu Travail,06,quaideJemmapes(10*).