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CES ANIMAUX

DE LA FAMILLE

L’oiseau de vers luisants.

ANDRÉBRETON.

Dans le grand cercle blanc coupé, de distance en distance, de petites barrières de cristal, se tenait la grande ourse dont le silence est aussi favorable que ses cris sont néfastes aux navigateurs perdus dans les prairies ogivales longtemps parcourues, au sud de l’équateur, par les girafes borgnes, employées, dans l’antiquité, pour la décoration murale des temples élevés à la gloire de Minerve, par les hommes aux yeux mous, esclaves de la gerboise qu’ils gardaient éternellement dans leur estomac, comme un talisman destiné à les préserver des atteintes du froid et de l’excessive chaleur. Soudain, à l’instant où le soleil gesticulait à la façon d’un homme ivre, la grande ourse lança un cri si désespéré que le soleil cessa de s’agiter et laissa tomber sur la terre des milliers de petites bulles de savon sur lesquelles on lisait : MÉNAGERIE DES VIVANTS. Ces bulles devaient crever avant de toucher le sol. Or, il arriva que quelques-unes d’entre elles se posèrent sur la pointe des graminées qui tapissaient le grand cercle blanc. Aussitôt on entendit; des cris épouvantables, capables de réveiller les volcans, capables même de rendre aux montagnes le souvenir de leur grandeur déchue et, des bulles, sortirent des tigres du Bengale qui s’ébrouèrent rejetant; autour d’eux des épluehures de cacahuètes et des bobines de fil à coudre qui se déroulèrent; lentement, avec la majesté d’un pape bénissant une forêt vierge dans laquelle se cache le jaguar qui, un jour, alors que le prélat sera plongé dans une. prière aussi fade qu’une décoration à un militaire tué par son propre revolver qu’il avait, dirigé contre son coeur parce qu’il estimait appartenir à l’armée ennemie, lui arrachera d’un coup de dents des parties sexuelles qui lui sont aussi inutiles qu’une lanterne sourde à un explorateur, au mois de juillet à midi.

Mais, si lent et si majestueux que soit le déroulement d’une bobine de fil à coudre, il arrive bien un jour où la bobine accepte avec, résignation sa sfupide nudité, cependant que le lil forme sur la plaine"une longue ligne, droite si on a pris la précaution de.toujours conserver le. même but. Alors, s’il pleut, ce ne sont plus des gouttes d’eau qui tombent sur le sol mais des hérons qui, avec leur bec, ont tôt l’ait de découvrir la nappe d’eau souterraine où gémissent des poissons aveugles qui n’ont d’autre plaisir que de l’aire entendre leur voix sonore a travers les profondeurs obscures cl, jusque-là, silencieuses de cet immense lac qui, d’ailleurs n’est un lac que par la volonté de son frère le gymnote. O ! gymnote, mon ami, qui donc dira aux prêtres, ces escrocs sans envergure dont les pieds sont semblables à la pourriture de leur tête que si, un jour d’été où les fruits dont la maturité est proche, la fantaisie t’en prenait, il suffirait d’un seul de tes regards beaux comme le déroulement d’une bobine de fd pour qu’ils soient semblables aux restes d’un pauvre homme, un pauvre imbécile d’homme qui a servi sa patrie toute sa vie pour mourir une après-midi, en cueillant des pissenlits dont il pensait faire une salade pour soit dîner. Les pourceaux l’ont à moitié mangé et, c’est pourquoi, après sa crémation il ne reste plus de lui que cette balle qui l’avait blessé dans quelque combat stupide contre les Pavillons-Noirs. Et voilà, gymnote, ce que. tu pourrais faire d’un curé. Mais voici la nuit ! Une nuit peuplée de bananes. Alors que, sous la voûte rouge où les sangsues glissent silencieusement comme des mains frôleuses, un homme se lève au milieu de son sommeil, tire les rideaux de sa fenêtre et jette ses meubles dehors, puis, débordant soudain d’une allégresse immense, comme un typhon cpti, de son pied, balaie les montagnes inutiles, il descend les escaliers comme un chat-tigre à la poursuite d’une huître sur un rail de chemin de 1er où passent d’heure en heure, des express internationaux. Ses meubles sont là ; mais, déjà, de l’armoire à glace éventrée sortent 1.000 flamants roses issus de ses chemises et de ses caleçons. Alors prenant à témoin les giroflées qui ont pris racine dans son matelas, il disparaît, comme une mouche. ; mais alors qu’une mouche ne disparaît pas pour tout le monde, on ne le reverra jamais.

Cependant, peu à peu, son mobilier donne naissance à toute une. l’aune pour laquelle une flore nouvelle se. crée. Le grand cheval de bataille aux oreilles d’argent et aux dents de terre se dresse au milieu du peuple alïamé clés rats jaune» mouchetés de gris qui s’enfuient, répandant en guise de crottes de minuscules papillons aux couleurs éclatantes, lesquels après avoir voleté un laps de temps qui n’est comparable qu’à l’épuisement progressif d’un nomme -qui, un beau matin, considérant Palïlux des voyageurs dans une grande gare de.Paris a décide de ne plus manger et observe cette résolution

je ne dirai pas

jusqu’à ce que mort s’ensuive, car avant d’en arriver là, un brave rhinocéros, de l’espèce ditecochon-mangeur-dc pied-de table, s’avance de son pas pesant comme un lac et, calculant mentalement le nombre de pieds de table nécessaires pour lui rendre, la santé, puis le nombre d’arbres nécessaires pour l’aire ces pieds de table, juge plus expédiai’ de le manger