EXPOSITIONS
A propos de l’Exposition Chirico
Pas de musique.
G. ne.CIIIHICO
L’exposition de récents tableaux de Georges de Chirico à la Galerie de « l’Effort Moderne», remet à l’ordre du jour (qui l’aurait auguré ?) la vieillarde question de la Technique artistique. Tranchons-en délibérément : il n’y a pas de Technique, il n’existe pas une science de bien peindre. Le mot a. été inventé par les critiques d’art scucieux comme d’habitude cle trouver une apparence de justification à la place démesurée qu’ils occupent au soleil, et la chose par les artistes dont l’idéal (sic) est d’imiter l’apparence des oeuvres dés maîtres, comme ils disent. La Technique ne peut tout au plus être considérée que. comme un point: de vue de l’observateur, une manière d’explication après-coup de l’inexplicable univers d’un tableau, explication pas plus exacte, mais à coup sûr plus extérieure qu’une autre. Une fois en face de l’oeuvre, dégagez-en la technique si cela vous amuse ; je ne vous disputerai pas cet absurde plaisir. Mais s’il faut: penser que le peintre a une idée de sa technique avant de commencerà peindre, s’il s’imagine disposer d’une technique a priori, d’une technique canon, où allons-nous ?
On m’a souvent affirmé que les poètes
étaient experts dans l’emploi de l’allitération, clu rejet, etc. Mais c’est des pions que l’on voulait parler.
Etant donné un peintre qui sait, consciemment ou non, ce qu’il a à exprimer, soyez persuadé qu’il emploiera les procédés les mieux adaptés à cet effet sans qu’il lui soit nécessaire de s’interroger gravement sur cette question ; l’émotion sait choisir elle-même le meilleur moyen de s’extérioriser. Harmonie entre la pensée et ce qui sert à la manifester, c’est là le seul sens admissible d’une spéculation technique ; aussi une fois analysée la technique d’un tableau, le mystère de sa confection est intact: ; recettes et formules ne serviront à rien pour rendre compte de la beauté qui y est incluse. Tant il est vrai qu’on s’aperçoit qu’un tableau est «bien peint » à ce qu’il est beau, et que la réciproque est fausse.
Sur la Technique entendue comme une science traditionnelle et omnivalentc, cette âneric, le plus médiocre élève des Beaux-Arts vous en remontrera toujours, Messieursles génies. L’achat de divers matériaux pour les avoir sous la main (couleurs, pinceaux, pots de moutarde, ingrédients divers, etc.), c’est le maximum de concession que vous puissiez faire à la Technique; de ces matériaux vous saurez toujours assez bien vous servir, soyezsans craintes. Je n’attache pas une foi mystique à cette vérité ; je ne crois pas que ce soit grâce à la puissance de la Justice qu’un tableau que vous avez peint en sacrifiant aux procédés ne présente pas l’aspect de pure beauté que présentent les autres ; je pense seulement que votre main est bien maladroite lorsque vous commettez l’imprudence cle cesser de vous fier à la dextérité de votre inspiration. 11n’existe à ma connaissance qu’un homme pleinement estimable et parfaitement génial qui ait compté la Technique artistique pour une chose de première importance ; je parle d’Edgard A. Poe. Encore, faut-il songer que, chez cet homme extraordinaire, les perpétuelles recherchesdu procédéen vue clel’effet, recherches en apparence rigoureusement logiques et rationnelles, offrent à l’examen, pour peu qu’on y veuille prêter une attention un peu moins quesuperficielle, un profond caractère baroque et sont proprement extravagantes. Pour ma part je n’ai jamais pu ni’empêcher de penser qu’il s’agissait là. d’une étonnante escroquerie Tout cela dit, je n’ai pas encore prononcé un mot sur la valeur artistique et morale de l’exposition cle la rue de la Bcaume • car il reste ce prodige : Georgesde Chirico.
Je peux bien énoncer un certain nombre d’axiomes à la vérité desquels je crois profondément, comme « il ne faut pas travailler », o il n’y a pas de progrès en art », « la pensée gacne à s’exprimer outrageusement », etc. etc. Mais si j’éclaire ces idées à la lumière de Chirico, sais-je ce qui va rester de leur réalité ? Un étrange malaise me prend en considérant ces tableaux qui rappellent l’antique et, aussi évident que paraisse le renoncement" auquel semble s’abandonner Chirico, sait-on si ce n’est pas un nouveau miracle auquel il nous convie ? Ecoutez ce qu’il disait en IOI3 : Cequedoit,êtreP impressionnisme.
—
Un édifice,
un jardin, une statue, une personne nous /ont une impression. Il s’agit de reproduire celle impression le plus fidèlementpossible. Plusieurs peintres ont été appelés des, impressionnistes qui ne Vêtaient pas au fond. Cela ifa aucun but selon moi de lâcher par des moyens techniques (divisionnisnic,pointillisme,etc.) de donner Villusion de ce que nous appelons le vrai. Peindre par exemple un paysage ensoleilléen s’efforçant de donner la sensation de la lumière. Pourquoi? La lumière, je la vois aussi, pour bien qu’elle soit reproduite, je la vois aussi dans la nature, et une peinture avec,un tel but ne saurait jamais medonnerla sensationdt quelquechosede nouveau, de quelquechose qu’avant je ne connaissais pas. Tandis que les sensations étrangesque peut tentir un homme, reproduites fidèlement par celui-ci. peuvent toujours donner à une personne sensible et intelligente des joies nouvelles.