3o = NOTE SUR LA LIBERTÉ =
notre enfance les jouets de toute notre vie. C’est Picasso qui m’y fait songer. (La Femme en chemise (1914) et cette nature morte ou l’inscription « VIVE LA », éclate sur un vase blanc au-dessus de deux drapeaux tricolores croisés.) Cette impression je ne l’ai jamais éprouvée si fortement qu’à l’occasion du ballet « Mercure », l’année dernière. Nous grandissons jusqu’à un certain âge, paraît-il, et nos jouets grandissent avec nous. En fonction du drame qui n’a pour théâtre que l’esprit, Picasso, créateur de jouets tragiques à l’intention des adultes, a grandi l’homme et mis, sous couleur parfois de l’exaspérer, un terme à son agitation puérile. C’est à ces multiples égards que nous le revendiquons hautement pour un des nôtres, alors même qu’il est impossible et qu’il serait, du reste impudent de faire porter sur ses moyens la critique rigoureuse que, par ailleurs, nous nous proposons d’instituer. Le surréalisme, s’il tient à s’assigner une ligne morale de conduite, n’a qu’à en passer par où Picasso en a passé et en passera encore ; j’espère en disant cela me montrer très exigeant. Je m’opposerai toujours à ce qu’une étiquette[1], prête à l’activité de l’homme dont nous persistons le plus à attendre un caractère absurdement restrictif. Depuis longtemps l’étiquette cubiste a ce tort. Si elle convient à d’autres, il me paraît urgent qu’on en fasse grâce à Picasso et à Braque.
ANDRÉ BRETON
(A suivre.)
- ↑ * Fut-ce l’étiquette « surréaliste ».
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Note sur la Liberté[1]
La liberté, toute enveloppée de ses conséquences, l’engageant d’une telle idée, son ombre, et le mais alors mécanique aussitôt : prononcé qu’elle se lève, tout cet écheveau de notions prêtes à la parade entraîne le vulgaire à des représentations de ses tenues, sans qu’aucun concept se soit : préalablement formé qui les assemble et témoigne de leur subordination réciproque. Là où il n’y a pas de système philosophique, le mot liberté devient insensé. Qu’on me montre, au vrai, ce point de l’esprit qui ne suppose pas un système philosophique. Et je dirai plus : là même où il y a un système philosophique, et n’importe quel système, et un système nouveau que je n’ai point, envisagé, là encore le mot liberté prend un sens, et pas n’importe quel sens, un sens toujours le même, unique, parce que n’importe quel système n’est jamais, si contraire en apparence qu’il lui soit, qu’une élaboration de l’idée, une idéation, suppose donc au delà des suppositions le système idéaliste, et ses développements, ses retours, ses solutions, où apparaît dans le jour de l’idée, l’idée de la liberté, qui est la liberté même. (Remarquez que raisonnant ainsi pour chaque idée, j’affirme qu’il n’y a pas d’autre système philosophique que l’idéalisme, ou qu’il faut que les mots ne portent plus sens, et alors taisez-vous.) Tout ce que je dis de la liberté est donc irréfutable, absolu. Il en résulte que la liberté est une limite, qu’il est absurde d’envisager la liberté autrement que comme une limite. Si ce que je dis de la liberté est absolu, la liberté telle qu’elle apparaît dans le langage a toujours un caractère uniquement relatif, et c’est cette confusion entre deux termes distincts en vérité, l’emploi alternatif de ces deux termes qui engendrent les représentations dont je parlais, dont je riais. Il s’ensuit que je commettrai à toute occasion n’importe quel attentat contre la liberté d’autrui, en égard à la liberté. L’homme libre est celui qui n’a de volonté que ce qui concourt à l’idée. L’homme parfaitement libre est parfaitement déterminé dans le devenir. Mort aux mécaniques qui remontent le courant !
LOUIS ARAGON
- ↑ * M. Delteil me dédie un cahier vert en ces termes : Et vive la liberté, mon cher. Je lui fais remarquer que je n’ai jamais gardé les cochons avec lui.
Man Ray