Page:La Révolution surréaliste, n03, 1925.djvu/26

Cette page n’a pas encore été corrigée

a4

LA REVENDICATION DU PLAISIR

AndréMasson.

La revendication du plaisir

Le cristal, les veines du bois et de la lumière, et la lumière même des alcoolsnécessairesà une existence prophétique, les musiques trop légères pour que nous les maudissions,les étoilesachetés à des prix dérisoires, les perles nées des jeux de l’air avec la’peau des femmes,toutes ces exigences font la moelle de nos sens, ce ruisseau où nous déversons le sang pur des rêves. Nous n’aimons que la neige et le feu, les tourmentes glacéesdu pôle, les victimes encore chaudes de l’espoir, les arêtes vives de flammes ou d’eau qui rongent notre ossature. Nous’n'aimons que la neige et le feu de la chair, vraie densité de notre esprit. Le cours des astres dirige nos pas comme ces battements fiévreux d’artères quand un regard ou un breuvage parsème nos yeux d’aiguilles.

Les bellescouleursnous charment. Il en est qui sont pareilles aux multiples yeux de l’amour, au reflet du crime sur la lame d’un couteau, aux pas d’une vierge impure sur le miroir étrange de la mémoire. Ces couleurs, nous en parons la citadellede nos membres,quand nos mainsvoudraient être des faux ou des coups de feu. Nous les brassons avec.notre esprit boursouflé d’amertume, nous les serrons dans nos bras après les moments d’ivresse. Nous les bouleversonspour établir des barricades, afin d’empoisonner l’air avec notre éternité. Entre lespôlesde la lumièreet de l’obscurité, les. larmes jaunes de la vie préparent les couleursde la mort.

Il n’y a que les couleurs tragiques, celles qui se lovent comme les serpents entre les lianes de l’atmosphère. Il n’y a, disons-nous, que ces pigments solaires qui puissent nous prendre sang et eau. Lorsque les rues sont la proie de l’électricité, toutes les annonces rapaces nous attirent. Nous devenons phosphorescents,et ce n’est pas la lèpre. Pour ne pas leur faire honte nous tentons cle porter des vêtements idéaux. Nous regardons bien en face les sphynx à tête’ d’épingles. Nous déjouons les complots des banquiers enfermés dans leur Bourse maussade, ceux-làqui ne lisent l’avenir que pour lesbesoins croupis de leurs Marchés et qui;se permettent d’insulter la face du ciel au nom de leur richesse d’ordure. Prairie mouvante et molle où tous les reptiles sont tapis, nous te défions! Nos pas sont assez purs pour échapper à tes traquenards. Nos fronts sont assezhauts pour émergermême si nous sommes engloutis- et nos chevelures