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que de lui voir occuper la présidence pendant l’année 1893. Après comme avant, il fut toujours pour nous le guide le plus prudent, le conseiller le plus sagace, l’ami le plus dévoué, le maître le plus écouté. Avec quelle sollicitude il aimait à unir les efforts de la Société d’Économie sociale à ceux de la Société des agriculteurs de France pour améliorer la condition des populations rurales, pour les retenir aux champs, pour leur assurer le bien moral et matériel que réalisent l’association, la coopération, le syndicat, la mutualité, l’assistance. La petite propriété surtout, l’humble héritage, fruit du labeur et des privations d’une vie entière et que détruisent dès sa naissance la rapacité du fisc et la tyrannie du partage forcé, avec quelle énergie il les défendait pour les libérer enfin des contraintes léguées par la Terreur !

Écoutez-le aussi parler à tous ceux qui ont charge d’âmes. « La charité chrétienne, dit-il, comporte le devoir impérieux, l’obligation pour celui qui a le superflu d’y ménager la part du pauvre et de se regarder pour cette part comme l’intendant de Celui qui lui a fait sur cette terre la tâche si facile et si douce. C’est une obligation étroite qui ne peut avoir de prescription ni de sanction dans aucune loi humaine, mais dont il sera demandé un compte sévère par la justice immuable, éternelle, et le riche égoïste, oublieux de ce devoir, verra avec confusion, nous dit l’Écriture, de son réduit obscur le misérable Lazare rayonnant des splendeurs de Dieu. La tâche que Le Play a donnée à son École, est de rappeler sans relâche et sans découragement ces devoirs supérieurs à ceux qui peuvent travailler au relèvement du pays et à l’apaisement des révoltes soulevées par la loi mystérieuse de l’inégalité des conditions, loi dont l’apparente injustice ne nous sera expliquée qu’au tribunal suprême : jamais il n’a été plus urgent de proclamer bien haut la nécessité de faire rentrer Dieu dans les lois, et, dans les mœurs, les commandements de Dieu et la morale de l’Évangile. »

Tant que ses forces le lui ont permis, il n’a cessé de réconforter ainsi les courages, trop disposés souvent à se lasser devant le labeur long et ingrat. « Livrez le bon combat sans songer à une victoire prochaine, dit-il éloquemment ; le temps vous donnera raison : travailleurs obstinés, jetez à pleine main la bonne semence ; certes beaucoup de grains seront la proie des oiseaux moqueurs, beaucoup encore sécheront sur le rocher stérile, mais, Dieu aidant, il en germera un grand nombre, et ceux qui plus tard recueilleront la moisson, remercieront, dans un élan de reconnaissance, le semeur consciencieux et oublié qui leur aura ménagé cette fortune. »

À l’heure de la séparation suprême, un incident inattendu semble avoir précisé le sens de cette vie et dégagé la leçon qu’elle nous laisse. Le chef-d’œuvre de Chapu qu’à son lit de mort lui apportait un reconnaissant hommage, cette Jeanne d’Arc, la bonne Lorraine que son cœur