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Au surplus, les Puissances ont été toujours de cette opinion. Voici en quels termes s’expriment à ce sujet, les ambassadeurs de France, de la Grande-Bretagne et de Russie dans leur note verbale du 12 octobre 1895 :

« C’est dans cette confiance que les ambassadeurs de France, de la Grande-Bretagne et de Russie croient pouvoir le mieux servir les intentions manifestées par la Sublime Porte en se réservant de lui signaler, lors de leur désignation, les fonctionnaires dont les antécédents et le caractère ne sembleraient pas répondre aux conditions indiquées comme nécessaires par le Gouvernement ottoman lui-même. » (Annexe P.)

Nous ne parlons pas de la liberté d’action qui doit être réservée au vali. Elle doit être entière. Si la nomination d’un vali européen signifie une confiance dans les aptitudes de ce haut fonctionnaire pour mener à bonne fin l’œuvre difficile des réformes, il est évident qu’on doit pendant un délai convenable lui laisser sa pleine liberté d’action, son indépendance. Ce délai peut être plus ou moins long ; mais une complète liberté d’action doit être accordée au vali. Par là, nous entendons le droit absolu pour lui de choisir ses collaborateurs, de nommer et de destituer les fonctionnaires et les juges de tous ordres ; celui d’élaborer et de mettre en vigueur des règlements d’administration pour assurer l’exécution des lois ; le droit enfin de disposer de la force publique.

Souvent le Gouvernement turc a pris à son service des Européens. Jamais il n’a su mettre à profit leur savoir, parce qu’il a refusé de leur accorder la liberté d’action nécessaire.

Dans leur note collective du 7 septembre 1880 dont nous avons déjà parlée (Annexe E), les ambassadeurs des six grandes Puissances s’expriment ainsi :

« Il est inutile d’ajouter que si cette plus grande indépendance des valis est partout désirable, elle est absolument nécessaire dans les provinces habitées par les Arméniens. »

L’un des griefs formulés par les Arméniens est qu’ils ont été systématiquement écartés des fonctions administratives et judiciaires en dépit des assurances que la Porte n’a cessé de donner dans toutes les occasions. Il n’est guère contestable que l’égalité entre musulmans et chrétiens doit se manifester dans leur admission aux fonctions publiques (administration, justice, gendarmerie, police). C’est là un droit que le Gouvernement turc n’a jamais contesté mais qu’il ne s’est pas soucié de respecter. Dans toute l’Arménie turque il n’y a pas un seul vali ou muttessarif arménien, un seul président de tribunal ou procureur arménien. Il est indispensable d’assurer la participation des Arméniens aux fonctions publiques.

Enfin tout le monde est d’accord pour reconnaître la grande part qu’a eue le système de centralisation à outrance dans la ruine de