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CHAPITRE IV


Le remède : Un Vali Européen,
participation des Arméniens aux fonctions publiques,
décentralisation.

Le mal ainsi analysé, le remède se trouve tout indiqué. Il n’y a pas de réformes possibles tant qu’un vali européen ne sera pas placé à la tête des provinces arméniennes. Cette condition essentielle doit être mise à la base des réformes à introduire dans l’Arménie turque. C’est aussi le seul moyen d’inspirer confiance à tous, aux musulmans aussi bien qu’aux Arméniens.

Cette mesure ne peut soulever aucune objection sérieuse. Le souci de sauvegarder le prestige du Gouvernement turc aux yeux de ses populations est sans portée. Ces populations sont suffisamment désenchantées sur le compte des valis qu’elles ont eus jusqu’ici pour souhaiter sincèrement l’arrivée d’un homme apte à leur procurer le progrès dont elles sentent le besoin, cet homme fût-il un étranger, pourvu qu’il soit engagé à titre de fonctionnaire ottoman. Leur patriotisme est ainsi sauvegardé.

Incontestablement l’Europe devrait être consultée sur le choix du vali. Elle devrait l’être en vertu du dernier paragraphe de l’article 61 du Traité de Berlin qui oblige le Gouvernement turc à porter à sa connaissance les réformes exécutées.

On peut soutenir que cette disposition n’implique pas pour la Porte l’obligation de demander l’avis de l’Europe. Cette interprétation nous paraît peu conforme à l’esprit général de l’article 61. Si on doit s’en tenir à la lettre de cet article, cette disposition serait un non sens.

Les Puissances, en effet, ont toujours eu à leur disposition assez de moyens d’information pour qu’elles n’aient pas jugé utile de stipuler que le Gouvernement ottoman les tiendrait au courant de réformes qu’il appliquerait dans l’Arménie turque. Cette stipulation visait donc toute autre chose qu’une simple communication matérielle. Elle signifie que la Porte se maintiendra toujours, pour tout ce qu’elle fera dans les provinces arméniennes, en contact avec les Puissances. Et pourquoi maintiendrait-elle ce contact si ce n’est pour agir d’accord avec elles ? Telle est, sans contestation possible, la portée et la signification exacte de l’article 61 et, dès lors, en consultant les Puissances sur le choix du fonctionnaire qu’elle appellera à la tête de ses provinces, la Turquie ne fera en réalité, que se conformer à l’esprit de ce texte.