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mentaux du droit musulman. L’autorité du « chériat » et une pratique séculaire en font un dogme religieux et social, qui ne peut évidemment pas se plier de son propre gré à des méthodes de gouvernement qui en seraient la négation si elles traitaient musulmans et « rayas » sur un même pied d’égalité.

Telles sont les causes puissantes qui rendent le Gouvernement turc incapable d’une administration équitable et impartiale envers les chrétiens. Et il n’y a rien de surprenant que, dans ces conditions, ces derniers aient manqué d’attachement à l’Empire ottoman.

À ces causes de diverses natures, il faut en ajouter une quatrième, d’un ordre différent. La Turquie ne possède pas un seul fonctionnaire pénétré de méthodes modernes d’administration. Sans connaissances scientifiques, ignorant les besoins nouveaux et les idées nouvelles, le fonctionnaire musulman ne comprend rien à la mise en valeur d’un pays tel que la Turquie et n’y songe même pas d’ailleurs.

On s’explique maintenant pourquoi la Turquie n’a pas pu mettre en exécution les réformes qu’elle avait promises et pourquoi les pires désastres ne lui ont nullement servi de leçon. Ce ne sont pas les lois qui manquent à la Turquie. Ce sont les hommes. L’essentiel n’est pas tant de promulguer des nouvelles lois que de bien appliquer celles qui existent. Il s’agit surtout de les appliquer avec un esprit d’impartialité absolue et avec la compréhension des exigences nouvelles. Ce qui fait défaut à la Turquie, c’est une administration en dehors et au-delà des préventions ethniques et religieuses.