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ses procédés. Toute l’histoire politique de l’Empire ottoman depuis quatre-vingts ans tient dans ces quelques mots : promettre des réformes aux chrétiens et ne pas les exécuter. La conviction que la Turquie est condamnée à périr de ce mal a, depuis longtemps, en politique, pris la forme d’un axiome. Ajoutons que cet axiome est admis par les Turcs eux-mêmes.

C’est un spectacle peu banal que celui de cet Empire à qui l’Europe a conseillé sans cesse d’adopter les règles des États civilisés, qui reçoit même des avertissements à ce sujet et qui persiste à vouloir vivre dans le mépris des principes les plus fondamentaux de la civilisation, s’entêtant à vouloir périr.

La Turquie apparaît, au seuil du xxe siècle, comme bien décidée à consommer son suicide. On doit se demander si son lamentable aveuglement n’est pas la résultante de causes contre lesquelles aucune bonne volonté ne peut agir. Essayons de les rechercher.


Causes politiques.

Les chrétiens placés sous la domination ottomane n’ont jamais abandonné l’idée de recouvrer un jour leur indépendance. Ils y renonçaient d’autant moins qu’ils ne pouvaient devenir citoyens de l’Empire turc, ni les égaux des musulmans, sans abjurer leur religion. L’abîme était resté toujours ouvert entre conquérants et conquis. Le Gouvernement turc était donc tenu, à l’égard de ses sujets chrétiens, à une politique de suspicion et d’étroite surveillance. Rien de plus naturel qu’il ait systématiquement écarté les chrétiens des fonctions publiques.

Affaiblir les chrétiens dans leur nombre et dans leur puissance économique, les seules forces matérielles dont ils pussent disposer, mettre des entraves à leur culture nationale, l’unique force morale qui pouvait les soutenir, telle a été la politique que les circonstances ont imposée au Gouvernement turc ; les fréquents soulèvements, toujours couronnés de succès, des diverses nationalités chrétiennes lui semblaient une raison de plus de persévérer dans sa politique.


Causes économiques.

L’islamisme ne méprise pas, certes, le travail de l’homme, comme moyen de pourvoir à ses besoins. Mais il prescrit aussi la guerre des conquêtes comme un devoir religieux. Cette guerre comporte le droit de butin. Il y a toute une législation à ce sujet. Les ardeurs et les succès des guerres musulmanes sont dus en partie à l’attrait qu’il exerce. En vertu de la loi du moindre effort, le Turc préfère le métier de guerrier à toutes autres occupations. Il doit à cette préférence