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degré, désignés pour les élections de la Chambre des députés, qui nommeront des délégués au Conseil général du vilayet (art. 104). Cela signifie simplement que l’élément arménien y sera privé de toute représentation en dehors de celle que la bienveillance gouvernementale pourra lui accorder à titre de faveur.

Cette loi stipule-t-elle, au moins, que les fonctions publiques seront réparties proportionnellement aux divers éléments de la population ? Nullement. À cet égard aussi, la loi des réformes de 1895 était infiniment plus respectueuse des droits des nationalités en général. Elle prévoyait, pour les chrétiens, une participation proportionnelle aux fonctions publiques (art. 5, 20, 22. Annexe H). Elle disposait aussi que, dans chaque vilayet, les valis (gouverneurs généraux) devaient avoir des mouavins (adjoints) non musulmans. De même, des mouavins non musulmans devaient être nommés auprès des mutessarifs (gouverneurs) et des kaïmakans (sous-gouverneurs), dans les districts où cette mesure serait justifiée par l’importance de l’élément chrétien (art. 1 et 2, Annexe H). Ces garanties ne sont pas maintenues.

Bref, toutes les dispositions tendant à assurer aux chrétiens l’accès des fonctions publiques, se trouvent rigoureusement supprimées dans la nouvelle loi.

Voilà de quelle façon le Gouvernement turc entend, encore aujourd’hui, la protection des chrétiens et l’œuvre des réformes. Il dira pour sa défense, que le régime constitutionnel garantit l’égalité de tous les citoyens ottomans, sans distinction de race et de religion, et rend superflues les dispositions qui pouvaient paraître nécessaires sous un gouvernement autocratique.

Soutenir que la Constitution en Turquie garantit l’égalité des musulmans et des chrétiens paraîtra un peu osé au moment où ce régime est en pleine faillite.

Nous ne parlons même pas de la décentralisation que le Gouvernement prétend avoir réalisée et dont la nouvelle loi n’est qu’une parodie.

À toutes les époques de son histoire, l’Empire ottoman s’est montré incapable d’assurer à ses sujets, musulmans ou chrétiens, sans exception, ce qu’on peut appeler le minimum d’une bonne administration : la sécurité et la justice.

En ce qui concerne les chrétiens, la mauvaise administration a toujours revêtu le caractère de la persécution et de l’extermination. Suivant les exigences politiques du moment, elles se sont exercées tour à tour contre telle ou telle nationalité chrétienne. Elles n’ont pas manqué, ce qui était à prévoir, d’avoir les conséquences les plus désastreuses pour l’État ottoman. Mais ni les soulèvements des populations, ni les démembrements que l’Empire ottoman a dû subir à la suite des guerres malheureuses n’ont pu servir à lui faire modifier