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CHAPITRE III

Le mal : pourquoi le Gouvernement turc est incapable de réaliser les réformes.

Personne ne conteste l’urgence des réformes à apporter dans les provinces arméniennes, et la Turquie moins que personne. Elle paraît être la première à regretter que trente-cinq ans se soient écoulés sans que ces réformes aient été mises à exécution. Cette fois, le Gouvernement turc est bien résolu à les appliquer sans retard. Tout ce qu’il demande à l’Europe, c’est de ne pas en faire un motif d’intervention dans ses affaires et d’atteinte à sa souveraineté.

Il a déjà annoncé son intention d’envoyer en Anatolie une commission. Il demandera le concours des spécialistes étrangers. Il compte réorganiser la gendarmerie. Il vient d’édicter une nouvelle loi des vilayets sur la base de la décentralisation administrative.

Toutes les fois que le Gouvernement turc redoute une intervention européenne, il a recours à ces moyens.

C’est la thèse accoutumée. Elle a vieilli au service des réformes promises aux autres populations chrétiennes de l’Empire. Elle a servi déjà dans la cause arménienne. Lisez plutôt la note d’Abedine Pacha, adressée aux ambassadeurs des six grandes Puissances, à la date du 5 juillet 1880 (Annexe O).

L’envoi d’une commission, loin d’inspirer confiance, est susceptible, au contraire, d’éveiller toutes les inquiétudes. On sait ce que valent ces commissions de complaisance que le Gouvernement turc a toujours envoyées un peu partout, dans les provinces de la Roumélie, en Crète, au Hauran, en Arménie. Depuis un demi-siècle, la Turquie a le concours des spécialistes étrangers sans pouvoir le moins du monde en profiter. Nous avons vu, par l’exemple des vilayets de Roumélie, ce que vaut la gendarmerie turque, et ce dont elle est capable.

Quant à la nouvelle loi sur les vilayets, qui doit inaugurer l’ère du progrès et de la prospérité en Turquie, on n’en connaît pas encore les effets bienfaisants. Tout ce qu’on sait, c’est qu’elle supprime le seul et unique avantage que l’ancienne loi des vilayets concédait aux chrétiens : celui d’avoir dans les conseils généraux des représentants en nombre égal à celui des musulmans (articles 13 et 25. Voir Young, vol. 1, pages 38 et 39). En vertu de la nouvelle loi, non seulement les chrétiens ne seront plus en nombre égal avec les musulmans, mais ne seront même pas en état d’y envoyer des délégués proportionnellement à leur nombre. Ce seront les électeurs du second