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tirage à 100 000 exemplaires, et 30 francs à l’autre sur un tirage à 1000 exemplaires, c’est établir l’égalité des salaires dans la mauvaise acception du mot, et faire ce qu’on appelle du communisme, à moins qu’il ne soit de mauvais goût d’appeler les choses par leur nom. Que l’intention soit excellente, on n’en doute pas ; que le résultat soit détestable, on n’en doute pas davantage, malgré tout l’esprit des inventeurs.

Aura-t-on au moins servi la civilisation et l’intérêt public, en assurant, par ce système, la réimpression de livres qui ne méritaient pas l’oubli ? Tout au contraire, on peut assurer qu’avec le domaine public payant, les livres d’un faible débit ne se réimprimeront pas. Quel libraire voudra courir les chances d’une publication qui n’est exposée qu’à des pertes ? On comprend que l’héritier d’un écrivain puisse consentir, pour la gloire de son nom, à rééditer un livre d’un succès douteux. La lenteur probable du débit ne l’effrayera point, s’il n’a pas à redouter une concurrence. Il n’est pas un spéculateur ; il peut attendre. Mais ce même livre, dès qu’il est à la merci de tous, n’a plus d’éditeur possible. La nécessité de payer d’avance la rétribution de l’auteur pour les livres d’une réalisation lente, suffirait à elle seule pour arrêter un grand nombre de réimpressions.

À cet égard, il n’est pas besoin de faire d’hypothèses. Que réimprime-t-on ? Les classiques, c’est-à-dire des livres qui s’adressent à un grand nombre de lecteurs. Combien de bons écrits ne sont-ils pas laissés dans l’ombre, parce qu’ils ne s’adressent qu’à un public limité ! La reconnaissance de la pleine propriété littéraire ne peut qu’améliorer cette situation. Donnez un propriétaire à une chose peu productive : il y a tout à parier que l’intérêt privé en tirera parti.