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solidarité économique, l’individu peut librement s’associer à ses semblables et les aider comme il est aidé par eux. Mais dans la solidarité morale, il est trop souvent passif, étouffé par des égoïsmes honteux et hypocrites auxquels on l’invite à se dévouer.

Nous voyons aussi par là quelle place le sentiment de la responsabilité personnelle pourra garder dans le socialisme. Le socialisme a cet immense avantage, en brisant les hypocrites solidarités bourgeoises, de libérer les initiatives individuelles, d’anéantir les clans grotesques qui, à l’heure présente, étouffent l’initiative et dissimulent la responsabilité personnelle. Mais il ne faut pas qu’il substitue à ces solidarités d’autres solidarités oppressives ou hypocrites. Un socialisme étatiste, un socialisme fonctionnariste et administratif, plus ou moins calqué sur nos administrations actuelles, étoufferait la responsabilité comme l’initiative individuelle et serait la mort de la culture. Mais il y a place pour un socialisme pénétré d’individualisme qui sauvegarderait la liberté de l’individu dans toutes les formes de son activité, en dehors de la tâche économique qu’il aurait librement assumée. Sous n’importe quel régime social, l’individu ne doit jamais se donner tout entier. Il doit toujours se réserver quelque chose — le meilleur — de lui-même ; il doit échapper dans la mesure du possible à l’embrigadement social ; il doit être lui-même et avoir en horreur cette forme d’humanité aveulie : l’Impunité de groupe.

Georges Palante.