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LA PLUME.


Calendrier de Henri Boutet pour 1899.
En vente à « la Plume ».
Hélas ! Hélas ! Pitho, Admète, lanthe, Electre, Doris, Primo, belle Uranie ; Hippo, Clymène, Rhodia, Callirhoé, Zeuxo, Clytie, Idia, Pasithoé, Plexaure, Galaxaure, aimable Dioné ; Mélobosis, Thoé, Polydore, séduisante Cercéis, Plouto aux grands yeux, Perséis, lanira, et Acaste, et Xanthé ; Pétrée qui charmes les cœurs, Ménestho, Europe, Métis, Eurynome, Telesto au voile couleur de safran, Chryséis, Asie, sage Calypso ; Eudore, Tyché, Amphirhoé, Ocyrhoé, et toi nymphe Styx, la première parmi tes sœurs, et vous les autres, filles de l’Océan, race brillante et divine, je vous aimais avec tendresse, mais je suis, pour parler votre langue, άΨίκορος. Maintenant je m’accommode à peine de ce Dieu caché dont parle le philosophe de Locres.

…La maison que j’habite au bord du torrent qui vit naître Sophocle est blanche et nette malgré ses contrevents vermoulus. Nous sommes au mois de mai, et dans mon petit jardin, entre deux oliviers, un grand mûrier, un peu de vigne et une margelle de puits, de belles roses fleurissent.

Le cri des petits oiseaux salue mon réveil, et je m’endors au chant du rossignol, qui se plaît toujours dans cette contrée :

Sous l’ombrage divin et dans le lierre sombre
Se plaisent à chanter les rossignols en nombre.

L’après-midi, quand la lourde chaleur qui égaie les cigales assoupit l’air, je ne dédaigne point le cabaret. Là, sous un platane, accoudé sur une table grossière, je me rafraîchis avec cette espèce d’absinthe blanche qui nous vient de Thessalie, et mon imagination ose franchir le seuil redouté des déesses Euménides :

Vous que cache aux mortels ce bois silencieux,
Euménides, ô sœurs ! la crainte de nos yeux,
Du repos que j’attends justes dispensatrices,
Ici m’arrête enfin, sous de meilleurs auspices,
Apollon dont je tire un malheur qui n’a pas
Dès mes plus jeunes ans abandonné mes pas.

…Ce Janvier est rude. Notre bourg, au bas d’un noir plateau des Cévennes, est sous les frimas.

Dans l’unique rue les passants sont rares ; au bout, devant la vieille église accroupie, le calvaire étire ses bras sur le ciel morne.