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LA PLUME.

Caresses défuntes


Estampe de Paul Berthon : Harpiste.
En vente à « la Plume ».

A…


Par un revirement étrange,
Pour d’inexplicables raisons,
On dirait que l’amour se venge
De ce que fiers, nous nous taisons.

Pour ne point crier les délices
Des surhumaines voluptés,
Nous endurons tous les supplices.
Nous, les orgueilleux indomptés !

Le souvenir que l’on évoque
En secret des baisers passés
Vous donne la foie équivoque
Des cœurs trop pleins, des corps lassés…

Un désir brûlant nous irrite.
Aiguisé par d’anciens frissons.
— Cette torture « était écrite »
Telle que nous la subissons.

Puisque l’amour heureux se venge
En préparant pour l’avenir
— Par un revirement étrange,
Le martyre du souvenir.

ANDRÉA LEX.

Chanson

Pour l’ami Paul Redonnel.


J’ai vu passer sur la route
Trois fillettes en déroute !

Brèche-dents et nez camus,
Une bouche en trou du cul,
— Se déhanchant du derrière,
Passait, boitant, la première
En camisole !
— Pourquoi, madone, mon âme est folle ?

J’ai vu passer sur la route
Trois fillettes en déroute !

Svelte, harmonieuse et tout en rêve,
Avec une face à damner,
Belle et rythmique, et sans seconde,
Passa, glissa la seconde,
— Oh ! sa chevelure de lin mouillé !

J’ai vu passer sur la route
Trois fillettes en déroute !

La dernière, ni belle, ni laide,
Ni brèche-dents, ni tout en rêve,
— Comme sont les filles, d’ailleurs ! —
S’arrêta et m’offrit sa fleur,
T’ai pris sa fleur, j’en ai pris d’autres !
— Madone, on roule de faute en faute ! —

La tierce garce m’a dégoûté
Des longs cheveux de lin mouillé,
Aussi des nez en trépied !…

J’ai vu passer sur la route
Trois fillettes en déroute !

Noël blasphématoire

A mon ami Ed. Michaud
ces rimes maudites.


Noël — Satan, voici qu’est né Ton ennemi !
Tout nimbé de lumière en une crèche blonde,
L’Enfantelet divin, calmement endormi.
Ouvre les bras, semblant vouloir bénir le monde…

Tout nimbé de lumière en une crèche blonde,
L’Enfant, pour les bergers, cœurs naïfs étonnés,
Ouvre les bras semblant vouloir bénir le monde ;
Et devant lui les Rois-Mages sont prosternés.

L’Enfant, pour les bergers, cœurs naïfs étonnés,
C’est ! Avenir joyeux, c’est la mystique flamme ;
Et devant Lui les Rois-mages sont prosternés,
Oubliant la vertu du très saint Pentagramme,

C’est l’Avenir joyeux, c’est la mystique flamme,
Doux élus, chantez :
Gloria in excelsis !
Oubliant la vertu du très saint Pentagramme,
Mages-Rois apportes : myrrhe, or, encens et lis !

Doux élus chantez :
Gloria in excelsis !
En rêvant le pardon de la geste ineffable ;
Mages-Rois apportes : myrrhe, or, encens et lis,
Peureux et vils, devant l’inconnu de l’étable !

En rêvant le pardon de la geste ineffable,
J’ai maudit ces bergers et ces trois Mages-Rois,
Peureux et vils devant f Inconnu de l’étable,
Et, pris de pitié, j’ai bien vite uni mes doigts…

J’ai maudit ces bergers et ces trois Mages-Rois !…
Noël !… Mon cœur bondit en sa gangue adamique,
Et, pris de pitié, j’ai bien vite uni mes doigts
Pour tracer, vaste et haut, le signe ésotérique.