Page:La Phalange, tome 4, 1846.djvu/175

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et pour clore à Memphis ma fête triomphante,
Mon lion mangera le pâle hiérophante !


le thérapeute.


Si la moisson terrestre est pleine de fraîcheur,
La divine moisson est en proie au faucheur !
Si tes aïeux de chair, ce peu de cendre aride,
Gisent, muets toujours, dans ton palais torride,
Leur souvenir, ô roi, comme un pâle remord
Ne t’a-t-il point parlé des ombres de la mort ?
Ô profane insensé ! la couronne et ton glaive,
Ton char d’airain armé de la faulx qu’il soulève,
Tes guerriers et ton peuple et ton pouvoir lointain,
N’ont pas rempli ce cœur inflexible et hautain !
D’un pied dominateur, toi qui foules l’Empire,
Accours ! brise l’autel où ton orgueil aspire,
Ô profane ignorant ! Mais sache qu’en tous lieux
Le sage porte en soi les temples et les dieux,
Et, brûlé d’un désir que rien ne désaltère,
Sans connaître le ciel prends en haine la terre !
Il est peu de fouler les hommes de son pié,
De s’abreuver du sang tôt ou tard expié,
D’atteler à son char les rois qu’on humilie,
Si le trouble du cœur à la gloire s’allie.
Malheur à l’ignorant ceint du bandeau royal !
Ses yeux ont vu le jour sous un astre fatal.
Les dieux entre ses mains au labeur condamnées
Des vastes nations ont mis les destinées…
Malheur ! si dédaignant la claire vérité,
De ce flambeau divin il meurt déshérité !
Le bonheur et la paix que cette terre envie
Ici bas comme aux cieux fuiront sa morne vie,
Et le temps roulera son honteux souvenir
Comme un débris immonde aux flots de l’avenir.
Mais heureux l’homme obscur couronné de justice !
Il vit, sans que jamais la mort l’anéantisse !
Sous un tissu de neige, attentif et pieds nus,
Le front illuminé de rayons inconnus,
Il frappe au seuil du temple où l’on apprend à vivre,
Et le ciel à ses yeux s’entr’ouvre comme un livre !
Ô champs de l’infini, souffles originels,
Univers enlacés en groupes fraternels ! —