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Au fond du temple noir d’où la terreur exile
D’Isis, ma fière sœur, je vais forcer l’asile !
Dans son étable d’or, sur ses riches tapis,
J’ai flatté de ma main le vénérable Apis ;
Et du serpent sacré le corps souple et mobile
Tressaille de plaisir à ma parole habile !
Ne suis-je plus le maître et le dompteur des dieux ?
Sous un voile d’airain, inaccessible aux yeux,
Seule, enchaînant mon peuple à son joug illusoire,
L’invisible déesse a méconnu ma gloire.
Allons ! je me sens las de la terre, et je veux
Toucher cet autre monde où s’envolent mes vœux !
Oh ! que de fois, pensif, dans l’ombre de mes salles,
Tandis que projetant leurs formes colossales,
Aux lueurs de la nuit, sur les sables dormants,
Montaient, calmes et noirs, mes lointains monuments ;
Que de fois, l’œil tendu vers la nue enflammée
De ces astres si beaux dont la route est fermée,
Refoulant le désir dans mon cœur agité.
J’ai pleuré comme un homme, impuissant et dompté !
Ô terreur ! mes aïeux, ma famille immobile,
Contemplant à leurs pieds leur héritier débile,
Et déchirant soudain le papyrus sacré,
Touchaient de leurs bras froids mon front déshonoré !
Isis ! Isis ! La nuit de ma vie est profonde !
Dût la foudre d’Ammon me dérober au monde,
Tordant ton seuil de bronze avec des mains en fou,
Je foulerai l’autel où l’on devient un Dieu !


le thérapeute.


Arrête, roi du Nil, fils des pasteurs antiques !
Le profane jamais n’a foulé ces portiques…
Pharaon ! Pharaon ! crains les dieux immortels !
Les implacables dieux, gardiens de leurs autels,
Dévouant au malheur ta tête criminelle,
Vont déchaîner sur toi leur colère éternelle !
Ô roi des chars guerriers, homme au cœur inhumain,
Tes palais vacillants vont s’écrouler demain !
Ouvre les yeux ! la nuit, la nuit lugubre et lourde
Étreint l’Empire entier plein d’une rumeur sourde…
Écoute, ô Pharaon, la tempête a rugi
Et fauche la moisson dans le sillon rougi.