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Seigneur, Seigneur ! Balbeck aux ruines séculaires
Gît dans le désert morne en blocs amoncelés…
L’avez-vous donc brisée au choc de vos colères ?
Vous a-t-elle entendu dans les cieux ébranlés ?

Seigneur, Seigneur, parlez ! Sombres ou magnifiques,
Avec l’éclat du rire ou le cri du sanglot,
Les époques d’orage et les temps pacifiques
Rouleront-ils toujours vainement flot sur flot ?

Quel soleil séchera leur tombe diluvienne ?
Que sont-ils au-delà de leur cours accompli ?
Hélas ! ce qu’on sait d’eux, c’est qu’ils vont à l’oubli…
Seigneur, de votre abîme il n’est rien qui revienne !

Des cultes de ce monde apostat éternel,
Du désir infini martyr héréditaire.
Malheur ! J’ai déchiré du livre paternel
La page où flamboyait le divin commentaire !

Et, pourtant, ô Seigneur ! épris de liberté,
Je m’agite à l’étroit dans un cercle inflexible :
Je vous pressens, à dieu de ma virilité,
Emprisonné long-temps au ciel inaccessible !

À l’encontre du blâme et du rire envieux,
L’idée éclate en moi d’une explosion telle,
Qu’elle emporte, au-delà d’un horizon trop vieux,
L’esprit contemporain, dans sa fuite immortelle !

Le globe sous mes pieds a tressailli d’amour !
L’intelligence humaine a déployé ses ailes !
Précurseurs du soleil, chantez ! voici le jour…
Hélas ! les airs sont noirs d’ombres universelles !

Pareil à l’épi mûr devant le moissonneur,
Me voici face à face avec la mort, Seigneur !