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Comme l’oiseau qui tend son aile
Et plane, dans l’air balancé,
Ne peux-tu t’arrêter dans ta route éternelle,
Ne peux-tu pas dormir, ô pèlerin lassé ?
Dors, nourrice féconde à la robe embaumée,
Qui m’as bercé jadis sur ton sein triomphant,
Et rêve de ton Dieu, pauvre terre calmée,
Sous la garde de ton enfant !




Les flots, livrant aux yeux leurs profondeurs visibles,
Dans un lit de saphir roulent les cieux paisibles,
Et poussant un murmure immense, mais voilé,
S’apaisent pour dormir d’un sommeil étoilé.
Qu’il est doux, qu’il est beau l’harmonieux silence
De ces mondes qu’un bras mystérieux balance !
Ô sublime repos ! adorable beauté,
Lumière de l’Amour et de la Vérité !
Pour qui va dans l’espace, égaré, sans boussole,
Que vos rayons sont purs, que votre paix console !
Beaux astres ! laissez-moi, dans vos concerts uni,
D’une aile enthousiaste embrasser l’infini…
Malheur, malheur à moi ! la flamme sidérale
N’a jamais sillonné cette nuit sépulcrale…
Hélas ! les airs sont noirs ! comme un vaisseau brumeux,
Le globe creuse au ciel un sillage écumeux.
Ô nuit ! j’ai beau monter par élans énergiques,
Je me heurte toujours à tes parois magiques ;
Toujours mon front tendu résonne sourdement
Contre le marbre dur de l’épais firmament.
Hélas ! les airs sont noirs ! sous le poids des nuées
Mes ailes sur mon flanc pendent exténuées.
Je suis pareil à l’aigle atteint d’un plomb cuisant,
Qui plane, convulsif, pour s’abattre gisant.
J’ai froid ! Un vent de neige a soulevé ma plume.
J’ai peur ! Par intervalle un proche éclair s’allume,
Comme si, dans son vol, un démon voyageur
De sa torche sur moi secouait la rougeur,
Et, me jetant un rire éclatant au visage,
En prolongeait l’écho lointain sur son passage.