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Entendez-vous frémir l’espace solitaire,
Harmonieux amants de la sainte beauté,
Aux lamentations que prolongent la terre
Et l’innombrable Humanité ?

Ô prophètes anciens ! ô sages !
Des siècles morts lointains flambeaux !
Vénérables amis aux sublimes visages,
Gravement étendus en de pieux tombeaux !
Vous qui, d’une aile glorieuse,
Disparûtes avec un magnifique adieu,
Maîtres ! entendez vous la plainte furieuse
D’un monde qui cherche son Dieu ?

Dans l’ouragan qui bat les crêtes
De la montagne au front neigeux,
Dans les voix du désert jonché d’anachorètes,
Dans la clameur des bois et des flots orageux,
C’est la tourmente universelle !
C’est l’homme qui gémit étouffé sous les cieux,
C’est un globe maudit qui pleure et qui chancelle
Dans l’infini silencieux !

Ô vous, impérissable exemple
D’intelligence et de bonté,
Pour qui le cœur trop plein s’élargit comme un temple !
Ce sanglot trouble-t-il votre sérénité ?
Payés de vos divins services,
Avez-vous trouvé Dieu dans les cieux étoilés ?
Fils aînés de la Terre, et sages purs de vices,
Vous qui savez, parlez, parlez !

Ô toi qu’une féconde haleine
Avait de baisers arrondi,
Jeune astre, bel enfant ! perle qui d’encens pleine
Flottais, étincelante, en l’azur attiédi !
Brise ta chaîne séculaire,
Ô globe déjà vieux, marqué d’un sombre sceau !
Suspends dans l’infini ta course orbiculaire,
Ô triste et bien-aimé berceau !