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Blasphémateurs de l’art dans un siècle en débauche,
De la race future ô déplorable ébauche,
Je me tais. — Loin de vous, prêtres de la laideur.
L’autel de la beauté couve en paix sa splendeur.
Lorsque l’architecture, alphabet des vieux âges,
Que chante le poète et commentent les sages,
Ne sera plus livrée en proie aux illettrés,
Nous relirons alors dans ses feuillets sacrés ;
Et les enfants de Dieu, par une étude austère,
Rétabliront le sens de son vrai caractère.
Sur la haute montagne, assis dans sa beauté,
Blanche image du calme et de l’illimité,
Le temple harmonieux en qui le monde espère
Se dresse lentement à l’horizon prospère.
Dans son multiple essor à la synthèse uni,
Il régnera du sein de l’azur infini ;
Et, résumant pour tous une trinité sainte,
L’homme, le monde et Dieu, dans sa mythique enceinte,
Chantera, divin texte et sublime missel,
Dans le concert de Pan le Verbe universel !


LA ROBE DU CENTAURE.


Hercule néméen, terrible sagittaire,
Tu foulais de l’Œta la cime solitaire,
Et, dompteur en repos, dans ta force couché,
Sur ta solide main ton front s’était penché.
Les pins de Thessalie, avec de longs murmures,
T’abritaient gravement de leurs sombres ramures.
Détachés de l’épaule et du bras indompté,
Ta massue et ton arc dormaient à ton côté ;
Et d’un cil olympien tu contemplais, paisible,
Cette terre orageuse où tu fus invincible.
Certain d’avoir parfait d’un souffle égal, et tel
Qu’un robuste ouvrier, ton travail immortel,
Ô glorieux lutteur, lassé de la victoire,
Tu repassais tout bas ton héroïque histoire.
Néméen, néméen ! point de trêve, debout !
Il faut suer la vie et le sang jusqu’au bout.
O robe aux lourds tissus, à l’étreinte assassine,
Dans l’oubli de soi-même Hercule a pris racine !