Je ne vous connais point. — Mais ce dont je m’attriste,
Ce qui fait rudement battre mon cœur d’artiste,
Ah ! mauvais ouvriers, piteux restaurateurs,
Ô nains, qui nivelez les sublimes hauteurs,
C’est vous, maçons ! c’est vous, ô peintres peu timides,
Qui voulez recrépir les vieilles Pyramides !
Vous ! vous qui rendez vils, insensés, odieux,
Le marbre et le granit qu’ont habités les dieux,
Et vous glorifiant d’ineptie avouée,
Copiez de travers l’œuvre à la mort vouée !
Ah ! s’il le faut, debout, amants du badigeon,
Ô bourgeois ! salissez cathédrale et donjon !
Dominateurs du siècle, usez de votre empire,
Conduisez l’ignorance et l’ineptie au pire.
Votre œuvre est celle-ci, ne vous méprenez point :
Ceignez vos reins, marchez en raidissant le poing ;
Comme sous le bélier des guerres féodales,
Couchez la haute nef au niveau de ses dalles,
Brûlez de votre chaux, brisez de vos leviers
Le chœur gothique où dort l’homme des oliviers ;
Que les palais caducs avec les forteresses
S’écroulent sous vos mains, stupides vengeresses.
Faites la place nette aux hommes d’avenir,
Et passez, oh ! passez pour ne plus revenir !
Mais s’il est un instinct de pudeur en votre âme,
Si vous faites ainsi sans poursuivre de trame,
En aveugles marteaux ignorants du moteur,
En bras galvanisés morts au feu créateur ;
Oh ! ne nous montrez pas, dans son ignominie,
Saltimbanque jouant la farce du génie,
Le vil maçon du jour, l’eunuque sans pudeur,
Du saint amour du beau parodiant l’ardeur !
Oh ! ne nous prouvez pas qu’une misère telle
A rongé sans pitié la pensée immortelle !
Ô servile troupeau dont s’indignait Flaccus,
Copistes ! d’impuissance atteints et convaincus !
Non, n’entassez jamais, scribes antipathiques,
De la langue du ciel les lettres granitiques ;
Leur orthographe échappe à vos yeux sans clartés,
Et Dieu de son esprit vous a déshérités !
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