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Ce n’est point, sachez-le, que je sois effrayé
Que l’autel de Baal s’écroule foudroyé.
Du vieux catholicisme agitant la bannière,
Je ne veux point pousser de plainte routinière,
Ni, semblable aux pleureurs du culte agonisant,
Chanter la pierre inerte et le clocher gisant.
Calme contemplateur d’un plus divin système,
Je ne veux point, armé d’un frivole anathème,
Livrer pour holocauste, en un vers insensé,
Le viril avenir à l’impotent passé,
Ni de tout dogme étroit sectateur hypocrite,
Toujours tuer l’esprit sous la parole écrite.
Non. — Soit que le travail exhaussé de sa main
Craque et tombe à défaut du vrai ciment romain,
Soit que l’art, absolvant ces œuvres imparfaites,
Dans le siècle orageux affermisse leurs faîtes ;
Soit que jetée à bas de son haut piédestal,
Colosse aux pieds d’argile, à tête de métal,
La grande Babylone enfonce sa coupole
Au lac expiateur où dort la Pentapole ;
Peu m’importe ! — ce jour viendra sans que mon vers
Prophétise à coup sûr cet imminent revers,
Et par d’autres que moi cette prostituée
Saura qui l’a fait vivre et qui l’aura tuée.
Non, monuments noircis par tant de siècles, non !
Je ne vous maudis point en haine de son nom ;
Je ne veux point briser d’un bras antipathique
Le trèfle sarrasin dans l’ogive gothique,
Ni déchirer sitôt le tissu gracieux
Du granit dentelé qui flotte dans les cieux.
Monte ! épanouis-toi, cathédrale frivole !
Paisible, dors là-haut où la tempête vole !
Dors, rêve de ta gloire et des jours oubliés,
Où les peuples vers toi couraient multipliés.
Tu ne vaux point, hochet d’un labeur séculaire,
Qu’on sue à t’ébranler de ta pierre angulaire.
Ô murs de Babylone ! ô temples vermoulus
Dont le sens est futile et ne nous suffit plus !
D’un aveugle génie, ô merveilleux ouvrage,
Vous vous engloutirez dans le même naufrage !
Pour moi, je ne serai, sans haine et sans frayeur,
Ni votre meurtrier, ni votre fossoyeur ;