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Venez ! — Soit que pour eux nous quittions le séjour
Où nos yeux tout d’abord se sont ouverts au jour ; —
L’île aux blondes moissons qui, de Cérès aimée,
Enclôt l’Etna fumant dans sa plaine embaumée ;
Soit la chaude Libye, ou Crète aux cent cités,
La riante Ausonie, habile aux voluptés,
Où l’on voit Parthénope, ardente et faible reine,
Sommeiller demi-nue aux bras de la sirène !
Soit que notre trirème, au cours aventureux,
Ait quitté de Milet les rivages heureux ; —
Qu’Éole soit propice au doux pèlerinage !
Que Thétys aux yeux bleus, nous guidant à la nage,
Avec ses bras d’albâtre entr’ouvre dans les flots
Un chemin de cristal d’Ionie à Délos ;
Puis, de l’île divine aux bords sacrés d’Athènes ;
Et là, d’un bras pieux abaissons les antennes.

Comme deux étrangers, d’humbles aïeux issus,
Ami, baignons nos pieds aux eaux de l’Ilyssus,
Par un soir qui permette à l’oreille flattée
D’ouïr chanter l’abeille aux ruches d’Aristée,
Et le troupeau, docile à la voix des bouviers,
Revenir à pas lents par les bois d’oliviers.
Écoutez, écoutez ! — la vague de Pirée
Murmure doucement une plainte inspirée
Qui roule dans nos cœurs, profond, mélodieux,
Le poème éternel des héros et des dieux ! —
Voyez ! — comme des plis d’une royale robe,
L’ombre, tombant des cieux, à demi nous dérobe
Les blocs marmoréens sous qui dort abrité
L’Olympe descendu du ciel inhabité ;
Et la ville si belle, et le saint promontoire
Où Platon a dressé son sublime oratoire !
Ô fille de Minerve, assise aux flots chanteurs,
Qu’il est doux de rêver à tes pieds enchanteurs !
Qu’il est doux, contemplant ta merveilleuse enceinte,
De s’abreuver long-temps d’une volupté sainte ;
Tandis qu’un fier rayon qu’Hélios a dardé
De l’horizon lointain par sa flamme inondé,
Du temple impérissable où le regard s’attache,
Couronne avec respect la majesté sans tache.

Inaltérable azur, ô terre ! ô doux berceau
Dont Saturne jamais n’effacera le sceau !